Accès aux soins de support et coordination des parcours en cancérologie

 

La nouvelle étude de l’observatoire sociétal des cancers

 

Soins de support : mieux connaitre les inégalités d’accès

Au fil de son expérience et de sa présence sur le terrain, la Ligue a constaté que des inégalités d’accès aux soins de support persistaient car beaucoup de personnes restent encore trop peu orientées vers ces derniers alors qu’elles en ont pourtant besoin. La situation semble particulièrement problématique après la fin des traitements pour les personnes qui présentent des conséquences du cancer, dès lors que les rencontres avec les équipes soignantes se raréfient. Pour documenter précisément le sujet, l’Observatoire sociétal des cancers a lancé l’étude « Coordonner et orienter pour mieux prendre en charge les conséquences du cancer » en 2021.

 

Méthodologie de notre étude

Cette enquête s’intéresse donc à l’accès aux soins de support et à l’accompagnement social dans et en dehors de l’Hôpital, sur le temps long du parcours de soins et de l’après-cancer. Une attention particulière est portée au rôle de la coordination sur la qualité de la prise en charge des conséquences du cancer.

Avec l’appui de l’Institut IPSOS, 7 709 personnes atteintes ou ayant été atteintes d’un cancer ont participé à l’étude, avec des en France métropolitaine et dans les DROM COM. Les données ont été collectées via un questionnaire auto-administré en ligne et en format papier, entre le 4 janvier et 15 avril 2021.

En parallèle de cette enquête par questionnaire, des focus qualitatifs ont été réalisés sur 4 départements : la Gironde, la Guadeloupe, le Loiret et la Martinique. En comparant ces 4 territoires, l’objectif était de mesurer en quoi l’organisation territoriale influence l’accès à des soins coordonnés et à une prise en charge optimale des personnes atteintes de cancer. En partenariat avec les Comités de la Ligue dans ces départements, 21 entretiens avec des professionnels de santé ont été réalisés ainsi que 8 entretiens avec des personnes atteintes de cancer.

 

Chiffres clés et faits saillants

Un accès aux soins de support encore très inégal

Même si le recours aux soins de supports est en moyenne assez répandu et conseillé, les inégalités persistent.

  • Parmi les personnes qui ressentent des douleurs chroniques, 61% ont été orientées vers un kinésithérapeute. En revanche, seules 26% des personnes qui souffrent de fatigue chronique sont orientées vers l’activité physique adaptée, alors qu’il s’agit du traitement le plus efficace.
  • 24% des personnes, malgré leurs séquelles, n’ont été orientées vers aucun soin de support depuis le début de leur parcours : ce sont en particulier les personnes peu diplômées et qui résident dans les territoires où l’offre de soins de premier recours est peu dense.
  • 19% des personnes qui ont été orientées vers des professionnels des soins de support ont renoncé à consulter pour des raisons financières ou d’accessibilité géographique..

Les personnes susceptibles de renoncer davantage aux soins de support sont plus systématiquement des jeunes, des personnes dont les parcours de soins sont complexes, dont les revenus sont faibles et qui résident dans les territoires où il y a peu d’offre de soins de premier recours.

Concernant l’accompagnement social, la situation est encore plus compliquée : parmi les personnes qui témoignent de craintes vis-à-vis de leur emploi ou de leur budget, plus de la moitié (51%) n’ont pas été orientées vers un médecin du travail, un travailleur social, un professionnel médico-social ou de conseil.

Manque de coordination entre les professionnels et déserts médicaux

Les personnes qui présentent des conséquences du cancer ou des traitements ont besoin d’être soutenues et accompagnées. Ainsi, la coordination entre les intervenants du parcours de soins est un gage essentiel de qualité de la prise en charge. Or, 53% des participants qui présentent des conséquences du cancer ou des traitements ont ressenti au moins un manque de coordination entre les professionnels qui les accompagnent.
Les personnes qui ressentent un fort manque de coordination entre les professionnels qui les accompagnent – notamment parce que ces derniers sont en sous-effectifs - sont également celles qui renoncent le plus aux soins de support pour raisons d’accessibilité financière ou géographique.

La disponibilité de l’offre de soins (médecins libéraux et autres professionnels soignants, établissements de santé) d'un territoire a une grande influence sur l’accès aux soins de supports. En effet, si les professionnels sont présents, disponibles et qu’ils se coordonnent, ils prendront le temps d’orienter leurs patients vers des spécialistes des soins de support. En revanche, dans les territoires où l’accès aux soins est plus compliqué (déserts médicaux), les conseils font défaut.

La crise sanitaire : facteur aggravant des inégalités territoriales

L’étude montre que, dans les départements plus fortement touchés par les vagues successives de COVID-19, le taux de satisfaction vis-à-vis de la prise en charge des personnes atteintes de cancer est moins élevé qu’à l’échelle de l’ensemble des participants.

Ainsi, les départements de l’est de la France, la Guadeloupe et la Martinique sont ceux qui ont le plus cumulé les effectifs de décès liés à la COVID-19 : on y observe un taux de satisfaction compris entre 76 et 82%, soit une satisfaction plus faible que la moyenne de l’ensemble de l’échantillon située à 94%. Dans ces territoires, la saturation du système de santé liée à l’ampleur de la pandémie explique certainement que les personnes atteintes de cancer se soient senties moins bien accompagnées.

De plus en plus de personnes sont touchées par le cancer et vivent donc avec ses conséquences

Selon les dernières estimations, 3,8 millions de personnes de 15 ans ou plus en France ont connu l’expérience d’un cancer au cours de leur vie(1). Ce chiffre augmente, ce qui signifie qu’un nombre croissant de personnes doivent vivre avec des conséquences dues à leur cancer ou aux traitements.
84% des personnes ayant eu un cancer, quelle que soit l’ancienneté du diagnostic, ressentent au moins une conséquence physique ou psychologique en lien avec la maladie ou ses traitements. Une nouvelle fois, on observe que certains profils sont plus susceptibles de ressentir de nombreuses et fortes conséquences physiques et psychologiques que d’autres : les femmes, les personnes dont les revenus sont inférieurs à 2 500 euros, celles dont le parcours de soins a été complexe…

« Tout ce qui est psychologie, les troubles de l’humeur, c’est toujours là. Et une chose qui ne s’arrange toujours pas, c’est la douleur, la douleur au niveau du bras, la douleur au niveau de la cicatrice. Ça, je l’ai toujours eu en permanence et ça fait 10 ans. »

Extrait d’un entretien réalisé avec Mme B., atteinte d’un cancer du sein (diagnostiquée en 2010)

(1) INCA 2022

 

Conclusions et recommandations de la Ligue

Au vu des résultats de cette étude, la Ligue contre le cancer va défendre et appuyer auprès des décideurs 5 recommandations pour améliorer l’accès équitable à la prise en charge coordonnée des conséquences du cancer, partout et pour tous dans les territoires français :

  1. La mise en place du dispositif de « fin de traitement », prévu par les Plans cancer et la stratégie décennale 2021-2030, en vue d’identifier d’éventuelles séquelles, de prévenir les rechutes et d'améliorer la qualité de vie des personnes ayant eu un cancer. L’objectif est d’orienter les personnes vers les soins de support adéquats, mais également de bénéficier d’une information complète et personnalisée sur les conséquences du cancer et sur la vie après la fin des traitements.
  2. Une offre de soins de support accessible financièrement et géographiquement sur l’ensemble du territoire national, en établissement de santé et en ville, pendant et après les traitements, en complément du parcours global post-cancer mis en œuvre depuis décembre 2020 (bilan et consultations après le traitement d’un cancer, pour améliorer la qualité de vie des patients et prévenir la rechute)
  3. Un financement pérenne de professionnels transversaux de coordination (infirmière de coordination en cancérologie) à l’hôpital et en ville.
  4. Des actions correctives, face aux inégalités d’accès à la prise en charge coordonnée des conséquences du cancer, et des financements ajustés pour la coordination des parcours, qui prennent en compte les spécificités territoriales.
  5. Une garantie de continuité des soins : actions de prévention, dépistages, diagnostics, mais aussi soins du cancer et de ses conséquences (traitements et soins de support) doivent être pérennisés et garantis à tous, y compris en contexte de pandémie !

Documents de l’étude

 

Soins de support : la Ligue à vos côtés

Grâce à plus de 300 Espaces Ligue répartis sur le territoire national, la Ligue contre le cancer propose gratuitement de nombreux soins oncologiques de support aux personnes malades et à leurs proches.

Pour plus de renseignements sur les résultats de l’etude, contacter l’équipe de l’observatoire sociétal des cancers :
Lucie Vialard Arbarotti (lucie.vialard@ligue-cancer.net)
ou Emmanuel Jammes (emmanuel.jammes@ligue-cancer.net)

 

FacebookTwitterLinkedInPrint