4ème rapport de l'Observatoire sociètal des cancers

La Ligue contre le cancer publie le quatrième rapport de l’Observatoire sociétal des cancers.

Cancer du sein, mastectomie : les femmes témoignent de leurs difficultés

54% des femmes interrogées ont eu des difficultés pour faire face aux restes à charge après avoir subi une mastectomie.

Près d’1 femme sur 2 estime que la reconstruction mammaire ne devrait occasionner aucun reste à charge.

La Ligue contre le cancer publie aujourd’hui le 4ème rapport de l’Observatoire sociétal des cancers. Cette nouvelle édition se focalise sur le cancer du sein et ses effets délétères en donnant la parole aux femmes ayant subi une mastectomie afin de mieux comprendre leur parcours dans la maladie. Une enquête inédite, menée par BVA pour la Ligue contre le cancer, permet d’analyser les principales difficultés rencontrées par ces femmes. Quelles sont leurs attentes ? Comment vivent-elles cette étape ? Quelles sont les conséquences psychologiques, matérielles, ou encore financières de la maladie et de ses traitements ?

Chaque année, en France :

  • on dénombre 49 000 nouveaux cas de cancer du sein ;
  • 20 000 nouvelles femmes subissent une mastectomie à la suite d’un cancer du sein ;
  • on estime que 5 000 à  7 000 patientes se font reconstruire le sein après une mastectomie.

« La Ligue contre le cancer, grâce à sa présence sur tout le territoire, met en lumière les réalités des personnes malades et de leurs proches, réalités très souvent éloignées des données théoriques. La force de l’Observatoire sociétal des cancers est de donner une vision fine des situations vécues. Cette année, nous avons donné la parole aux femmes concernées par la mastectomie, intervention nécessaire mais mutilant leur chair, touchant leur image, leur féminité... Parfois en colère, parfois résignées, elles témoignent des difficultés notamment financières d’un parcours où la reconstruction chirurgicale n’est pas forcément un passage obligé. Elles font face à des dépenses importantes, parfois récurrentes qui continuent à les pénaliser, même après leur guérison. Fragilisant d’autant plus les femmes les plus modestes ainsi que leurs familles, ces restes à charges creusent un peu plus les inégalités face au cancer, enjeu crucial du Plan cancer 2014-2019 »
explique le professeur Jacqueline Godet, présidente de la Ligue contre le cancer.

4ème rapport de l’Observatoire sociétal des cancers, Les enseignements de l’enquête menée par la Ligue

Après une mastectomie : des restes à charge importants

  • 456 € en moyenne immédiatement après la mastectomie
  • 256 € par an, en moyenne sans reconstruction mammaire
  • 1391 € en moyenne lors d’une reconstruction mammaire

Des restes à charges qui pèsent dans le budget des femmes et de leurs familles

  • 1 femme sur 2 ayant une mastectomie évoque des difficultés financières pour faire face aux restes à charge. Parmi elles, 15% ont eu recours à une aide extérieure pour couvrir ces frais.
  • Les femmes ayant eu une reconstruction chirurgicale estiment que la plupart des restes à charge sont inacceptables, qu’ils s’agissent d’actes médicaux ou de soins de support.
  • Pour près d’une femme sur deux, la reconstruction chirurgicale ne devrait occasionner aucun reste à charge.

La reconstruction chirurgicale : un choix personnel

  • 1 femme sur 4 a choisi de ne pas avoir recours à une reconstruction chirurgicale
  • Le choix d’avoir une reconstruction mammaire est fortement lié à l’âge, à la peur des opérations et à l’image corporelle que les femmes ont d’elles-mêmes.

Explications….

La mastectomie : une étape violente physiquement, psychologiquement et... parfois financièrement

La mastectomie est souvent perçue comme violente et est associée à des termes comme «mutilation » ou « perte ». 

Si la mastectomie est un traitement reconnu comme très efficace, elle peut aussi avoir des répercussions psychosociales négatives chez les femmes opérées : identité, féminité, confiance, humeur, estime, sexualité, qualité de vie... Parmi les femmes interviewées dans le volet qualitatif de l’enquête, les réactions à l’annonce du traitement chirurgical ont été très différentes d’une femme à une autre, allant de la colère à la résignation.

« J’ai le ciel qui me tombe sur la tête et le sol qui se barre sous mes pieds. Et après j’ai l’impression de ne plus entendre, de ne plus comprendre ce que l’on me dit. J’ai des infos, mais je suis bloquée sur le mot mastectomie »
témoigne une femme interrogée.

À la suite d’une mastectomie, un reste à charge moyen de 456 € est déclaré par 1 femme sur 3 ayant eu des soins supplémentaires

  • 5 femmes sur 6 ont eu besoin de soins supplémentaires, après la mastectomie.
  • Parmi elles, 1 femme sur 3 déclare un reste à charge de 456 € pour ces soins supplémentaires.

Parmi ces femmes :

  • 33 % ont eu des restes à charge pour des consultations de psychologues ;
  • 25 % pour des séances de kinésithérapie;
  • 70 % pour d’autres soins.

Montant moyen du reste à charge pour des soins supplémentaires suite à une mastectomie

Etude Ligue/BVA, 2014, Les frais restant à la charge des femmes à la suite d’une mastectomie : sur la base des femmes ayant eu des restes à charge pour soins supplémentaires à la suite d'une mastectomie moins de 3 ans avant l'enquête.

Dans le poste « Autres soins » :

  • 11 % pour des frais à la pharmacie (montant moyen : 183 €) ;
  • pour 18 % pour l’achat de prothèses amovibles, de soutiens-gorges adaptés, de manchons pour prévenir le lymphœdème (montant moyen : 228 €) ;
  • pour 20 % : des honoraires de professionnels de santé (montant moyen : 404 €).

Même sans reconstruction mammaire : 9 femmes sur 10 déclarent un reste à charge annuel moyen de 256 €

Montant moyen annuel des restes à charge pour les femmes n'ayant pas eu de reconstruction chirurgicale

Étude Ligue/BVA, 2014, Les frais restant à la charge des femmes à la suite d’une mastectomie : sur la base des femmes ayant eu des restes à charge en cas de non reconstruction chirurgicale.

La reconstruction chirurgicale : un choix personnel

Une reconstruction mammaire : NON MERCI pour 1 femme sur 4

  • 17% des femmes ne souhaitent pas de reconstruction
  • 33% ont peur de l’opération
  • 31% ont peur d’être déçues ou peur de la douleur
  • 14% invoquent des raisons financières

Les raisons financières sont citées par 14% des femmes, un chiffre qui serait en augmentation depuis les sept dernières années (cf. page 25 du rapport de l’Observatoire sociétal des cancers).

Motifs du non recours à la reconstruction chirurgicale

Etude Ligue/BVA, 2014, Les frais restant à la charge des femmes à la suite d’une mastectomie : sur la base des femmes n’ayant pas eu de reconstruction chirurgicale

Les raisons financières concernent particulièrement :

  • 18 % des femmes de 50 à 59 ans
  • 17 % des femmes des catégories socio-professionnelles inférieures

Une reconstruction mammaire : OUI pour les femmes qui veulent « accepter leur nouveau corps » après la maladie

  • Une décision d’autant plus marquée que l’âge de survenue du cancer est précoce
  • Une décision fortement liée à la perception négative de la mastectomie sur l’image corporelle

« Il me manquait un sein, je n’avais plus de cheveux et j’avais des cernes pas possibles. Gollum dans Le Seigneur des Anneaux, c’était moi. C’était l’image que je me faisais de moi. »

La reconstruction mammaire : une étape éprouvante pour 90% des femmes... et des restes à charge jugés inacceptables par plus de 4 femmes sur 5

« Je viens de verser 800 € à mon chirurgien pour avoir accès à ce "droit à la reconstruction". Et que dire de l’hypocrisie de nombre de mutuelles qui refusent de considérer tout dépassement d’honoraires. Il n’y a de toute façon pas assez de place dans le service public, en particulier dans les grandes villes pour traiter toutes les femmes dans un délai correct. Oui, pour sauver sa peau on peut être obligée de se faire opérer en libéral et ça coûte fort cher. Oui, la reconstruction par la méthode de son choix doit être proposée à chaque femme, prise intégralement en charge par la Sécurité sociale et dans des délais normaux ! »
témoigne une patiente.

La technique de reconstruction par implant a été la plus fréquemment utilisée :

  • pour une reconstruction immédiate (75%)
  • chez les femmes de 50 à 59 ans (65 %) ;

chez les femmes ayant un revenu mensuel inférieur à 1 000 € (71%).

Une étape difficile pour près de 9 femmes sur 10

Près de 9 femmes sur 10 ont exprimé un (ou plusieurs) éléments difficile à vivre dans leur parcours de reconstruction, et notamment :

  • pour 1 femme sur 2, l’opération elle-même : le nombre d’interventions nécessaires, la douleur, la lourdeur de l’opération, l’anesthésie
  • pour 2 femmes sur 10, le sentiment d’avoir été mal informées
  • la difficulté à s’adapter à leur nouveau corps
  • pour 1 femme sur 4 (24 %), les difficultés de revivre de nouvelles hospitalisations
  • près de 1 femme sur 5 se dit déçue du résultat de l’opération (19 %)
  • enfin, le coût financier a été souvent évoqué comme difficile à vivre par les femmes

Difficultées vécues lors de la reconstruction

Étude Ligue/BVA, 2014, Les frais restant à la charge des femmes à la suite d’une mastectomie : sur la base des femmes ayant eu une reconstruction mammaire.

1 femme sur 2 déclare un reste à charge d’un montant moyen de 1391 €

Ces restes à charge concernent principalement des frais liés à l’intervention (reste à charge moyen : 1 330 €) et varient en fonction :

  • des dépassements d’honoraires facturés par le chirurgien et/ou l’anesthésiste ;
  • du type d’établissement dans lequel la reconstruction a été effectuée ;
  • de l’éloignement du domicile ;
  • de la technique de reconstruction utilisée ;
  • de l’importance de la prise en charge par la complémentaire santé.

Pour 6 femmes sur 10 ayant eu une reconstruction chirurgicale, l’intervention a également nécessité des soins supplémentaires dont une partie est restée à la charge des femmes (reste à charge moyen : 574 €).

Plus de 4 femmes sur 5 ayant eu une reconstruction chirurgicale jugent inacceptables les restes à charge liés à cette intervention. Pour près de 1 femme sur 2, il ne devrait y avoir aucun reste à charge pour une reconstruction mammaire.

Reconstruction chirurgicale ou non : des restes à charge difficiles à financer pour plus d'1 femme sur 2

Plus d’1 femme sur 2 (54 %) a eu des difficultés pour faire face aux restes à charge, qu’elle ait eu une reconstruction chirurgicale ou non.

Ces restes à charge creusent les inégalités

Parmi elles, les plus fragilisées sont également les plus touchées par ces difficultés :

  • 81 % des femmes au chômage ;
  • 72 % des femmes vivant seules ;
  • 62 % des catégories sociales les moins aisées.

Près d’1 femme sur 5 a dû solliciter une aide financière extérieure pour faire face à ces frais non remboursés.

  • 15 % ont fait appel à des membres de leur famille
  • 8% ont fait appel à des associations
  • 6 % ont fait un prêt auprès d’une banque ou d’un organisme de crédit

En conclusion

Quelles sont les attentes des femmes ayant subi une mastectomie ?

  1. Être davantage informées sur leurs droits (ALD, aide-ménagère, etc.) ;
  2. Mieux comprendre l’information donnée par les professionnels de santé ;
  3. Pouvoir tirer profit de l’expérience des autres femmes concernées ;
  4. Avoir des adresses utiles, savoir où bénéficier de soins permettant de limiter les effets secondaires des traitements.

Pour répondre à ces attentes, la Ligue contre le cancer propose plusieurs pistes :

  • Permettre l’accès à un soutien psychologique à toutes les étapes du parcours de soins dans le cadre d’un forfait minimal de 10 séances de soutien psychologique prises en charge par l’assurance maladie.
  • Développer des dispositifs d’information accompagnée sous forme d’échanges et de partages d’expériences, notamment dans le cadre d’expérimentations de « patients ressources »
  • Réduire le coût financier laissé à la charge des patientes : prix de vente plafonné au montant du remboursement pour les prothèses mammaires externes, recensement des praticiens proposant une reconstruction mammaire sans dépassement d’honoraires, information des femmes sur les possibilités de limiter les restes à charge.
  • Mobiliser les représentants des usagers pour faire entendre la voix des femmes atteintes de cancer du sein.

Téléchargez le 4éme rapport de l'Observatoire sociétal des cancers

L’Observatoire sociétal des cancers (action 9.17 du Plan cancer III) a pour mission d’étudier les aspects sociaux et sociétaux de la maladie pour mieux comprendre les effets sur les personnes malades, leurs proches mais aussi la société toute entière.

Etude Ligue/BVA, 2014, Les frais restant à la charge des femmes à la suite d’une mastectomie.

  • étude quantitative : par questionnaire auto-administré auprès de 992 femmes ayant eu une mastectomie, du 14 avril au 15 juin 2014.
  • étude qualitative : par entretiens individuels approfondis auprès de 12 femmes ayant eu une mastectomie entre le 20 juin et le 7 juillet 2014.
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