12 ans que mon père est parti

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anonyme404

Bonjour à tous,

Je ne sais pas si mon post a sa place dans ce forum mais je ne sais pas à qui parler de ce que je traverse ces derniers jours, et je cherche un peu de réconfort.

Mon père a été diagnostiqué d’un cancer du poumon en 2010 et après 1 an de bataille avec opération et chimios il s’en est allé en juin 2011. J’étais très jeune à cette époque (12 ans et demi) mais ça ne m’empêchait pas d’avoir déjà une conscience de la mort, car quelques années auparavant en 2007 j’ai eu une première expérience traumatisante lorsqu’il s’est effondré d’un infarctus devant ma mère et moi. Il a survécu ce jour là mais une partie de moi s’est envolée, me laissant avec la peur constante de la maladie et de la mort. 

J’ai très mal vécu son décès et j’ai eu beaucoup de peine à reprendre le cours de ma vie, je ne suis pas encore totalement guérie de son absence.

Ces dernières semaines j’ai essayé d’être présente pour une amie dont le père était malade depuis le début de l’année. Elle m’a annoncé récemment que c’était un cancer et son état s’est vite dégradé, il s’est éteint aujourd’hui.


Cette situation m’a fait replonger dans le passé et en visualisant mon amie et son père, en imaginant ce qu’ils vivaient tous les deux ces derniers jours, j’ai recommencé à avoir de fortes angoisses. 

Cela fait bien une semaine que j’ai des images qui me hantent, je vois son père, je vois le mien et je revis en quelques sortes ce que j’ai vécu il y a 12 ans. C’est comme si les conseils que je lui ai donné étaient les conseils que j’aurais aimé appliquer dans le passé.

Ma mère m’a caché que mon père n’allait pas survivre, il est parti un jour pour faire sa chimio et il n’est plus ressorti de l’hôpital. J’avais très peur et je pensais sans cesse à la mort et en même temps on me disait que papa allait sortir, qu’il allait guérir. Alors j’étais tourmentée entre la peur et l’espoir. Le dernier jour avant sa mort, nous devions aller lui rendre visite mais ma mère et moi étions fatiguées (nous habitions à 20km de l’hôpital et ma mère sans permis travaillait toujours), nous avons reporté au lendemain et il s’est éteint dans la nuit, c’était le jour de la fête des pères. Je ne pensais pas qu’il partirait si tôt, je l’ai regretté très longtemps et ces regrets ressurgissent intensément aujourd’hui.

Je me dis que mon amie a eu la «chance » d’accompagner son père dans la maladie, de prendre soin de lui, d’être présente, et même d’avoir été à son chevet la nuit de sa mort. Bien sûr elle n’a pas le même âge que j’avais quand je l’ai vécu, mais je regrette et je me dis que j’ai laissé mon père tout seul, que j’aurais aimé aussi lui tenir la main et le caresser, ne serait-ce que pour essayer d’atténuer un peu ses douleurs et sa peur, de lui montrer que je suis là et qu’il est aimé. Apparement lui non plus n’était pas conscient de ce qui se passait, ma mère n’a rien dit à mon père et a demandé aux médecins de ne rien lui dire. Mais je suis sûre qu’il s’en doutait, et peut-être que comme on lui a caché il n’osait pas demander.

Je trouve ça bizarre, de cacher à un malade qu’il vit ses derniers instants sur terre, de l’empêcher peut-être de faire ses dernières volontés, de profiter de chaque seconde en sachant que ce sont les dernières. Et en même temps elle dit que c’était pour me protéger, que j’étais trop jeune et que j’avais déjà beaucoup d’angoisses, qu’elle ne voulait pas me paniquer, et ne pas paniquer mon père non plus. Mais je lui en veux. Ma famille a été là le dernier jour et pas moi, tous m’ont dit que c’était mieux comme ça, qu’il n’était déjà plus vraiment là et que c’était déchirant de le voir comme ça mais je n’arrive pas à m’empêcher d’avoir des regrets.

Est-ce que ma mère avait raison de me cacher la mort inévitable de mon père ? Est-ce vraiment une façon de protéger son enfant ? 12 ans plus tard je repense à ça et mes regrets sont aussi intenses qu’au premier jour. Je n’ai aucun souvenir de mes visites à l’hôpital, ni de la dernière fois que je l’ai vu ni de ce que j’ai pu lui dire et ça me fait souffrir. Ça me donne l’impression de n’avoir pas été là pour lui comme j’aurais voulu l’être. Peut-être que je ne m’en souviens pas car j’étais trop jeune… je me rappelle seulement de l’ambiance dans l’hôpital, des couloirs où je suis repassée quelques fois depuis. 

Cela m’a beaucoup chamboulé de penser avec autant d’intensité au père de mon amie, et de lier son expérience à celle de mon père. Je ne sais pas à qui en parler car c’est avant tout son deuil et sa souffrance aujourd’hui, mais je souffre quand même à ma façon. 

Je vous remercie par avance si vous êtes arrivés jusque là et je pense fort à tous les malades qui luttent ou qui se sont éteints. Si vous pouvez avoir ne serait-ce qu’une pensée ou faire une petite prière pour le père de mon amie je vous en serais très reconnaissante.

Merci

Souricette

Bonjour,

Je suis allée jusqu'à la fin de votre post, que je trouve bouleversant. Je crois que si la disparition du père de votre amie vous chamboule à ce point c'est peut-être parce que vous n'êtes pas allée jusqu'au bout de votre propre chagrin, de votre propre deuil.

L'écoute d'un professionnel serait sans doute la bienvenue et vous permettrait de refermer cet épisode de votre vie, vous permettant d'être plus sereine et apaisée.

Je pense évidemment que votre Mère à voulu vous protéger (c'est le rôle des Mamans), mais avez-vous pensé que peut-être votre Père, s'il en avait été conscient, aurait lui aussi voulu vous protéger en vous tenant à l'écart de ses derniers moments ? 

Ce n'était sans doute pas une décision facile à prendre et votre Maman a cru bien faire. Peut-être s'est-elle trompée, du moins c'est comme ça que vous le ressentez, mais qui ne se trompe pas dans la vie ? On ne le sait qu'après que l'on a pris une mauvaise décision... Et pensez-vous que ça aurait rendu les choses plus faciles que de voir votre père dans ses derniers instants ?

Lorsque ma Maman nous a quittés, ça faisait plusieurs jours qu'elle était hospitalisée et j'allais la voir plusieurs fois par jour, de jour comme de nuit (les soignants nous y ayant autorisés, sachant que la fin était proche). Elle s'est éteinte en fin d'après-midi, dans la demi-heure juste entre le départ de mon frère et mon arrivée... J'étais effondrée : avoir été présente si souvent, si longtemps pendant une dizaine de jours, et ne pas être là à ce moment précis ! les soignants m'ont alors expliqué qu'il est très fréquent que les gens s'éteignent lorsque les visiteurs s'en vont : comme s'il voulait partir en douce (ou plutôt en douceur), pour ne pas nous infliger cette souffrance supplémentaire.

A méditer !

J'espère que vous allez aller mieux dans quelques jours, mais surtout, n'hésitez pas à vous faire aider. Ce n'est pas un signe de faiblesse que de demander de l'aide.

 

 

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anonyme404

Bonsoir,


Je vous remercie pour votre attention et pour votre message plein de bienveillance qui me touche sincèrement.


C’est vrai que je ne suis sûrement pas totalement guérie de cet événement. Si à l’époque j’étais fermée à l’idée de voir un professionnel (juste après le décès), j’ai depuis plusieurs années l’envie de consulter et je l’ai fait à plusieurs reprises mais j’ai besoin d’un suivi plus régulier et d’un travail en profondeur. C’est surtout le manque de budget qui fait que..


Merci pour la sagesse de vos mots, je comprends qu’elle voulait me protéger et peut-être que mon père aurait fait la même chose mais je ne le saurais jamais. 
Et c’est de ne pas savoir qui me fait cogiter.


Ma mère m’a dit hier quelque chose qui m’a un peu blessé, quand je lui ai dit que j’aurais aimé être plus présente elle m’a répondu que moi même je n’aimais pas trop aller à l’hôpital, que mon père lui avait une fois demandé pourquoi je ne venais pas beaucoup, qu’il voulait + voir sa fille. Apparement quand mes frères et sœurs restaient dans la chambre avec ma mère et mon père, je sortais jouer avec mes neveux et nièces en bas de l’hôpital. Et mon père pensait peut-être que ma mère me disait de rester dehors, ou alors que c’est moi même qui n’avait pas envie de le voir ? 
Ça ne fait  que renforcef mon regret car si je savais à quel point c’était sérieux j’aurais peut-être passé beaucoup plus de temps avec lui.


Je suis désolée pour votre maman et j’espère qu’elle repose en paix, qu’elle est dans la lumière. C’est vrai qu’on dirait qu’elle ne voulait pas vous faire souffrir et a attendu d’être seule, mais je comprends votre tristesse de n’avoir pas été là pour le moment. J’espère que ça ne vous tourmente plus aujourd’hui.

J’ai vu dans un autre de vos posts que vous êtes malade et aidante et je vous souhaite la guérison complète à vous et votre mari, vous méritez le bonheur.

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Dr A.Marceau

Bonjour,

J'ai lu ce message et la réponse de Souricette avec beaucoup d'émotion. Car je crois que chacun de nous se retrouve dans ces propos, dans cette difficulté immense qu'est la confrontation à la mort d'un proche, en particulier d'une mère ou d'un père. Longtemps, on a cherché à cacher la mort aux enfants, considérant que ce "passage" de la vie à la mort était trop traumatisant pour un jeune enfant. Mais l'expérience montre que cacher la mort est un handicap pour bien accomplir le travail de deuil qui fait suite au décès d'un proche. Et vous en êtes la parfaite illustration car a trop bien vouloir vous protéger du traumatisme lié au décès de votre père, votre mère et plus généralement votre famille vous ont empêché de faire complètement votre travail de deuil. Du reste, sans doute qu'une aide psychologique vous aurait été utile peu après le décès de votre père. Mais comme le dit avec beaucoup de justesse Souricette, il n'est pas trop tard pour vous faire aider, pour "vider votre sac" et finir un travail de deuil qui demeure à ce jour inachevé.

Quoiqu'il en soit, votre témoignage est aussi une expression forte de l'amour que vous portiez à votre père et je suis bien certain que cet amour a été d'un grand réconfort pour lui aux derniers instants de sa vie, même si vous n'étiez pas à ses côtés.

Bien cordialement

Dr A Marceau

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anonyme404

Bonsoir Dr A Marceau,


Merci pour votre attention et pour votre message, pour ces gentils mots.

C’est vrai que j’ai l’impression que cela m’a plus handicapé qu’autre chose, car en plus de la tristesse je vis avec le regret. 

J’espère réussir à m’en débarrasser en recommençant une vraie thérapie. Comme j’ai répondu tout à l’heure à Souricette, je n’étais pas prête juste après le décès à voir quelqu’un. Et maintenant ce n’est pas l’envie qui manque mais le budget, mais je vais faire un effort car j’ai envie d’aller mieux.

Pensez-vous qu’il est possible de préparer les enfants au deuil, et qu’ils soient capables de comprendre ce qu’est la mort sans en souffrir + qu’un adulte ?

Cordialement

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Dr A.Marceau

Bonsoir,

Oui, il y a une manière de préparer un enfant à affronter le deuil, notamment quand une mort est prévisible à court terme, en ne lui cachant pas la possibilité d'un tel événement. Bien sûr, il faut le faire avec des mots choisis, adaptés à l'enfance, employer beaucoup de douceur. Ceci afin que l'enfant puisse se préparer, s'exprimer, y compris auprès de la personne malade. Au besoin, une aide extérieure peut être sollicitée, notamment auprès de certains psychologues. Pour autant, le deuil fait toujours souffrir, à tous les âges...

Bien cordialement

Dr A Marceau

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rob

Bonjour ,

J'ai également lu votre post avec attention et jusqu'au bout , moi aussi j'ai perdu mon père très jeune , a l'age de 14 ans , il avait 45 ans et j'ai aussi l'impression que tout n'a pas été fait comme il faut a l'époque , a maintenant 60 ans je me pose encore des questions , le sujet n'a jamais vraiment été évoqué en famille , sans doute un tord , mais bon ma mère n'étant également plus de ce monde certaines questions resteront a jamais sans réponses .

Vous êtes jeune et je vous souhaite de trouver un équilibre pour poursuivre votre vie et promis je penserai au père de votre amie ....

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anonyme404

Bonsoir rob,

Merci pour votre gentil message et pour votre témoignage. Je vous souhaite d’arriver à vous défaire de vos regrets et de vos questionnements, de trouver une paix intérieure. Je suis jeune mais pour vous aussi c’est possible, tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir! Avez-vous déjà consulté quelqu’un à ce sujet ?

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rob

Bonsoir ,

Pour vous dire la vérité je suis en paix avec moi même , ma vie a été faite de grosse tristesse mais aussi de beaucoup de bonheur , alors tout cela mis sur une balance j'ai quand même réussi a trouver un équilibre a peu près correct , mais sans doute la balance finira par pencher du côté tristesse a cause de ce maudit cancer qui m'enquiquine depuis maintenant 5ans , vous avez raison , tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir , et je me battrais jusqu'au bout comme je l'ai toujours fais dans ma vie et le jour ou il faudra partir je partirai sans rechigner avec quand même la sensation d'avoir tout fait et tout donner bien entendu en laissant une tristesse derrière moi , mais c'est comme cela c'est la vie ....

Je vais quand même répondre a votre question , non je n'ai jamais consulté a ce sujet , pourquoi ? sans doute que ce n'était jamais le moment ....

Bonne nuit a tous ...

 

Anonyme

Bonjour,  

Tous vos messages m'ont beaucoup touchee et je partage votre peine. Je souhaite aussi beaucoup de courage a ceux qui ssont malades. 

Je ne sais pas si ca pourra vous aider, mais moi je suis dans le cas inverse et j'en ai voulu aussi beaucoup a ma mere. Deja, je suis adulte, et ma mere m'a annoncé tres brutalement le cancer de mon pere alors que j'etais un peu fragile car en post partum...Elle m'a dit ne rien vouloir me cacher,et vouloir me dire toute la vérité. J'habite loin de mes parents etme debrouille seule avec une famille nombreuse, j'ai passé quelques jours a ne pas arriver a m'occuper de mes enfants, j'ai fait des crises de panique, je ne dormais pas la nuit et faisais des cauchemars, j'ai eu des problemes de tension eet de colon et j'ai developpé une hypothyroidie. J'ai passé la première annee de mon bebe a etre la sans etre la, car j'etais en permanence angoissee pour mon pere, son operation a venir etc. Mes parents m'ont dit een permanence TOUS les details, alors que je suis loin,je n'y peux rien et je gere deja beaucoup de problemes et de stress de mon cote que je ne partage pas avec mes parents pour ne pas les angoisser justement. 

Anonyme

(suite) 

Ca m'a fait tellement souffrir inutilement, que je souhaite du fond du coeur ne jamais imposer ca a quiconque, et je me dis que si ca doit m'arriver un jour, je dirai le moins possible et je chercherai a attenuer les choses aupres de mes proches pour ne pas leur faire porter tout ce poids. 

J'en ai voulu a ma mere de pas avoir pris en compte ce que je vivais de mon côté, et de m'avoir fait porter tout ce poids qui etait juste trop lourd pour moi a ce moment de ma vie sans meme chercher a mettre les formes ou attenuer un peu les choses, et aussi pour les consequences que ca a eu sur ma santé et ma vie de famille. J'ai souffert eenormément et me suis angoissee jour et nuit, et ca ne leur a rien apporté de plus, et ca n'a rien changé a la situation. 

C'est pour cela que je comprends votre mere, ca a du etre tres dur pour elle et elle a du beaucoup souffrir et peut etre qu'elle voulait assumer cette peine sans vous la faire porter. Elle ne se rendait pas compte des conséquences que ca allait avoir. 

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