Cancer et handicap : pour des soins accessibles à tous

Comme les « valides », les personnes en situation de handicap sont touchées par le cancer. Qu’elles vivent en établissements médico-sociaux ou à domicile, la prévention passe notamment par l’accès aux dispositifs de dépistage organisé.

Porteuses d'un handicap moteur, mental ou psychique, les personnes en situation de handicap sont elles aussi confrontées au cancer. Principale raison : l'augmentation de leur espérance de vie. Pourtant, il s'avère difficile de pousser plus loin les investigations car les statistiques manquent pour connaître la prévalence des cancers selon les différents types de handicap. On dispose toutefois d'études concernant les personnes avec déficience intellectuelle.

« Les cancers sont aussi fréquents – un individu sur trois – chez les personnes déficientes intellectuelles que dans la population générale, explique le Dr Daniel Satgé, directeur de ONCODEFI, structure installée à Montpellier visant à une prise en charge optimale des cancers chez les personnes déficientes intellectuelles, depuis le stade de la prévention et du dépistage jusqu'au traitement à court et long terme1. Mais ils sont différents, mal connus par les professionnels du champ du handicap qui s'en occupent au quotidien, mais aussi des familles et des médecins et souvent diagnostiqués tardivement, particulièrement chez l'adulte. » Ainsi, les personnes qui ont une déficience profonde développent plus de cancers du testicule (9,9 fois plus que la population générale), plus de cancers de la vésicule biliaire (10,3) et plus de tumeurs cérébrales (3,5). « La taille des tumeurs dépistées apparaît souvent supérieure à celle de la population en général, commente Sophie Bourgarel, chargée des études au CREAI (Centre interrégional d'étude, d'action, d'information sur le handicap) PACA et Corse2. C'est ce qui permet d'en conclure que le dépistage est insuffisant et ou le diagnostic tardif. »

Faciliter l’accès à l’information sur le dépistage du cancer du sein

« Les femmes sourdes se sentent souvent en diffi culté quand elles sont invitées à consulter un médecin, d’autant plus qu’elles ne peuvent pas toujours se faire accompagner », explique le Dr Sylvie Bréchenade, médecin coordinateur du centre de dépistage des cancers en Val-d’Oise. C’est ce constat qui a conduit à la conception d’un document sur le dépistage organisé du cancer du sein élaboré par l’association ISS (Information Sociale Surdité) de Cergy Pontoise et PSVO (Prévention et Santé en Val-d’Oise), structure départementale responsable du dépistage organisé des cancers, en partenariat avec le SAVS Rémora 95 et l’APUI Les Villageoises de Cergy. Une initiative qui va dans le sens de l’accès aux soins pour tous.

A télécharger sur www.inpes.sante.fr (rubrique « documents destinés aux publics défi cients auditifs ») ou à demander à PSVO en téléphonant au 0800 332 357 (numéro vert).

Qu'en est-il de l'accès au dépistage pour les personnes en situation de handicap ?

La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit que l'Etat doit se montrer « garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées ». Il semblerait que l'on en est encore loin. En janvier 2009, la Haute autorité de santé (HAS) a d'ailleurs publié un rapport sur l'accès aux soins des personnes en situation de handicap, qui mettait en lumière d'importantes difficultés d'accès, notamment aux actions de prévention. A titre d'exemple, il n'est qu'à constater la faible accessibilité aux mammographes pour les patientes à mobilité réduite.

« Il faut déjà trouver un cabinet de radiologie accessible, note Michel Delcey, médecin-conseil à l'Association des paralysés de France (APF). Ensuite, réaliser une mammographie d'une patiente en fauteuil n'est pas chose aisée. Certaines personnes sont dans l'incapacité d'adopter la position idoine pour la réalisation des clichés. » Outre l'accès au matériel, il faut également compter avec le manque de formation de certains professionnels du dépistage. « Le temps de consultation pour une personne handicapée se révèle forcément plus long, précise Michel Delcey. De plus, les professionnels ne sont pas préparés à la prise en charge des personnes en situation de handicap. »

Si l'accessibilité aux cabinets médicaux et la pénurie des personnels de santé formés rendent plus ardue la réalisation de ces dépistages, il est aussi difficile de faire passer un message de prévention dans les établissements médico-sociaux. « Les résidents n'ont pas toujours les capacités pour appréhender les informations en matière de prévention, précise Sophie Bourgarel. Comme pour les valides, la maladie fait peur et le personnel doit s'efforcer d'adapter son discours à chaque personne, en fonction de ses facultés. »

C'est aussi l'accès aux soins et, en aval, l'accueil dans les établissements de santé qu'il faut adapter aux personnes handicapées. Car un dépistage positif conduit ensuite le patient à une hospitalisation, voire une intervention chirurgicale, puis un traitement. En cas d'hospitalisation, les structures ne peuvent pas toujours garantir une prise en charge adaptée. Parmi les préconisations de l'HAS, suite au rapport de 2009, l'hospitalisation à domicile devrait pouvoir être adoptée par l'établissement médico-social. Les personnes en situation de handicap doivent pouvoir bénéficier d'une prise en charge de qualité équivalente à celle de la population générale, mais adaptée à leur handicap.

Par Claudine Colozzi, article publié dans le magazine Vivre n°357

1 www.oncodefi.org. L’activité de recherche et de rassemblement des données de ONCODEFI a commencé en janvier 2013 avec une étude interventionnelle financée à hauteur de 450 000 euros par l’Institut national du cancer (INCa). Cette étude menée dans le département de l’Hérault visera à améliorer le dépistage et les soins aux patients.

2 Coauteure de deux études : « Dépistage du cancer chez les personnes handicapées : pratiques et diffi cultés spécifi ques enétablissement médico-social », 2009, et « Accès à la mammographie pour les patientes à mobilité réduite », 2011.
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Interview de Marie-Arlette CARLOTTI, ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociales
et de la Santé, chargée des Personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Est-ce que la prise en charge du cancer en 2013 intègre la notion de handicap ?

Le Plan cancer 2009-2013 comprend une mesure qui vise à améliorer les réponses aux possibles situations de handicap ou de perte d'autonomie transitoires ou définitives liées au cancer. Des expérimentations ont été menées en 2011, sous le pilotage de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) en partenariat avec l'Institut national du cancer (INCa), visant à développer les coopérations entre Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et équipes sanitaires prenant en charge des personnes atteintes de cancer.  Ces expérimentations ont permis de repérer des méthodes et des outils pour faciliter la communication et les échanges entre ces structures et développer la sensi bilisation et la formation mutuelle en termes d'évaluation des besoins de la personne touchée et des conséquences du cancer et des traitements. Ces méthodes et ces outils sont proposés et mis à la disposition de l'ensemble des MDPH et des équipes sanitaires prenant en charge des patients atteints de cancer.

Cependant, la question plus générale que vous posez est celle de savoir si les personnes handicapées sont aussi bien prises en charge que la population générale en matière de dépistage et de soins. Les travaux conduits notamment par la Haute autorité de santé (HAS) en 2008 montrent qu'il existe des améliorations possibles, en particulier sur la sensibilisation des professionnels de soins aux spécificités des personnes handicapées (difficultés de communication, nécessité d'adaptation du message aux capacités de compréhension de la personne et de ses accompagnants, etc.) et de coordination des différents intervenants sanitaire et médico-social.

L'amélioration de l'accès aux soins et aux autres actions de santé publique (dépistage, éducation à la santé, prévention) reste un enjeu majeur de l'égalité des chances et une priorité du gouvernement. J'ai donc confié à Pascal Jacob, président de l'association Handidactique I=MC2, une mission sur l'accès aux soins des personnes handicapées. Dans ce cadre, un colloque sur l'accès aux soins et à la santé des personnes handicapées s'est tenu le 15 janvier 2013 au ministère et a permis de faire connaître aux acteurs du soin et de l'accompagnement les demandes, les attentes et les besoins de soins des personnes handicapées. Un rapport me sera remis en avril 2013 par Pascal Jacob qui permettra de cibler les actions à engager prioritairement notamment sur les questions de formation, de prévention, d'urgences et de coordination médicale.

Qu'en est-il de l'accès à l'information pour des personnes souffrant de déficience auditive ou visuelle ?

L'accès à l'information pour les personnes déficientes sensorielles constitue un objectif important de la politique générale de mise en accessibilité que poursuit le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Pour accompagner le déploiement de cette politique, un plan d'accessibilité numérique des sites internet de l'Etat et du gouvernement est en cours. Pour sa part, l'Institut national du cancer a mis en place un portail en ligne d'information sur le cancer (cancer info service : www.e-cancer.fr/cancerinfo). Il diffuse des brochures d'information et a mis en place aussi un accueil téléphonique.

Les médecins sont-ils formés pour prendre en charge ces traitements spécifiques ?

Les médecins n'ont pas à mettre en place des traitements spécifiques, mais à s'assurer que la personne handicapée a bien compris la démarche de soins proposée. Mais aussi que les professionnels qui accompagnent le patient au sein de structures médico-sociales soient également informés afin de pouvoir l'aider au cours du traitement. Au-delà, il est certain qu'une formation générale au handicap faciliterait grandement la relation avec la personne handicapée et son entourage. Ce point sera l'un des thèmes de réflexion des travaux conduits par Pascal Jacob.

Existe-t-il des structures d’accueil particulières ?

Précisément, c'est l'un des objectifs de la mission confiée à Pascal Jacob. Il consiste à repérer sur le territoire les bonnes pratiques existantes qui répondent déjà aux attentes, aux demandes et aux besoins des personnes handicapées et de leur famille afin de pouvoir en assurer une diffusion large.

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