Mois des cancers masculins, recherche et cancer de la prostate
À l’occasion du mois de sensibilisation aux cancers masculins, lumière sur trois projets de recherche sur le cancer de la prostate financés par la Ligue.
Même si son traitement a beaucoup progressé, le cancer de la prostate reste un enjeu de santé publique : 640 000 hommes vivent avec ce cancer en France, les outils diagnostiques et pronostiques pour sa prise en charge sont très perfectibles et ses formes métastatiques restent incurables. Trois équipes de recherche labellisées par la Ligue s’attaquent à cette problématique avec l’ambition de contribuer au développement de stratégies thérapeutiques plus efficaces contre les formes avancées de la maladie.
Cancer de la prostate
Le cancer de la prostate est le deuxième cancer le plus fréquent en France et, de loin, le premier affectant les hommes.
C’est un cancer de « bon pronostic » dont la prise en charge a beaucoup progressé au fil des dernières décennies : l’arsenal thérapeutique s’est amplement enrichi et la mortalité est en baisse constante.
Pour autant, le cancer de la prostate reste un problème de santé public majeur : le nombre d’hommes « vivants avec » est conséquent et une marge de progression importante demeure pour améliorer sa prise en charge.
Le dosage du PSA qui reste central dans le diagnostic de la maladie manque de fiabilité et peut être une cause de surtraitement*. Le développement d’outils permettant d’identifier de façon sûre les patients les plus à risque de développer une forme agressive de la maladie reste donc un enjeu important. Et, si le traitement des formes métastatiques* a progressé au cours des dernières années, celles-ci demeurent incurables et sont à l’origine de la très grande majorité des décès dus à la maladie.
Mieux diagnostiquer et pronostiquer la maladie, pouvoir anticiper son évolution vers les formes les plus graves afin de « traiter juste » et développer de nouveaux traitements ciblant spécifiquement les formes métastatiques constituent donc les principaux enjeux de la recherche sur le cancer de la prostate.
Un facteur d’agGRAS vation…
Labellisée depuis 2020, l’équipe du Professeur Catherine Muller (CNRS UMR 5089, IPBS, Toulouse) a montré que les cellules qui stockent les graisses, les adipocytes, jouaient un rôle important dans l’évolution du cancer de la prostate et sa dissémination. Chez environ 25 % des hommes touchés par la maladie un tissu adipeux s’accumule autour de la prostate de façon excessive, le phénomène est amplifié en cas d’obésité mais il peut aussi être constaté chez des hommes dont le poids est normal. Plusieurs résultats de l’équipe montrent que ce tissu adipeux émet différents signaux, par exemple la sécrétion de molécules, qui favorisent l’agressivité du cancer et pourrait contribuer à sa résistance à l’hormonothérapie*. Une meilleure connaissance des caractéristiques du tissu adipeux incriminé pourrait permettre d’identifier les hommes les plus à risque de cancer agressif. Concernant la thérapie, le blocage des signaux émis par les adipocytes pourrait constituer une nouvelle piste pour enrichir l’arsenal des traitements contre les formes les plus avancées de la maladie.
L’équipe a été financée à hauteur de 326 K€ et a bénéficié du soutien des comités départementaux 29, 31, 37, 40, 46, 54, 66.
La mitochondrie dans le collimateur
Pour le cancer, la survie est un combat constant. Confinées dans un environnement ou les ressources vitales (oxygène, nutriments) peuvent être limitées et soumises aux agressions des traitements, les cellules tumorales doivent modifier leur fonctionnement, se reprogrammer, pour survivre et croître. Labellisée depuis janvier 2022, l’équipe du Docteur Frédéric Bost (Inserm U1065, C3M, Nice) étudie les stratégies de survie des cellules de cancer de la prostate dans le but de concevoir de nouvelles approches thérapeutiques. Ses travaux désignent la mitochondrie*, une structure de la cellule essentielle pour la production d’énergie, comme une cible de premier intérêt. En effet, celle-ci joue un rôle fondamental dans la capacité des cellules cancéreuses à satisfaire leurs besoins énergétiques et à devenir agressives. La mise au point de molécules capables de bloquer spécifiquement le fonctionnement des mitochondries des cellules cancéreuses est une des pistes poursuivies par l’équipe pour développer des traitements plus efficaces.
L’équipe a été financée à hauteur de 210 K€ et a bénéficié du soutien des comités départementaux 42, 46, 54, 56, 64, 66.
Vers un traitement de canal ?
Le fonctionnement de la cellule cancéreuse se différencie en de nombreux points de celui d’une cellule saine. La régulation des flux d’ions, notamment ceux du calcium (Ca2+), n’échappent pas à cette dérive. Les travaux de l’équipe labellisée du Professeur Natalia Preverskaya (Inserm U1003, Uni. De Lille, Villeneuve-d’Ascq), ont montré que certains canaux ioniques, les protéines qui permettent l’entrée et la sortie des ions dans la cellule, participent à la progression du cancer de la prostate. Très récemment l’équipe a montré que le fonctionnement anormal d’un canal ionique particulier, nommé TRPV6, contribue à rendre plus agressives, plus invasives, les cellules de cancer de la prostate hormono-résistant. Le blocage de l’activité de cette protéine (et d’autres aux fonctions proches) par des inhibiteurs pharmacologiques ou des anticorps est une piste thérapeutique étudiée par l’équipe.
L’équipe a bénéficié d’un financement de 1,58 M€, sur 17 années de labellisation, elle a été soutenue par les comités départementaux 18, 32, 46, 50, 54, 57, 59, 60, 66, 87, 972.
Le cancer de la prostate en chiffres
60 000
nouveaux cas par an.
Avec 8 100 décès
le cancer de la prostate est la 3ème cause de mortalité par cancer chez l'homme.
69 ans d’âge moyen
au diagnostic.
Plus de 640 000 hommes
vivent avec un cancer la prostate.
Plus de 9 hommes sur 10 en vie
5 ans après le diagnostic.
Comment mieux dépister le cancer de la prostate ?
Pour en savoir plus sur la question du diagnostic/dépistage, veuillez consulter l'article dans le magazine Vivre 398 en cliquant ci-dessous !
Quels facteurs de risque ?
L’âge, au-delà de 50 ans, constitue un facteur de risque établi du cancer de la prostate, la taille, l’origine ethnique et les antécédents familiaux sont également des facteurs de risques avérés. Au niveau comportemental, l’alimentation pourrait jouer. Une consommation importante de produits laitiers est suspectée augmenter le risque mais il n’existe pas de consensus sur ce point. Les régimes riches en graisses animales et saturées sont soupçonnés de façon un peu plus convaincante ; toutefois le mécanisme exact par lequel ils induiraient un surrisque reste à établir. En revanche, des donnés plus probantes associent la surcharge pondérale au risque de décès par cancer de la prostate. Quant aux expositions environnementales et professionnelles, on doit rappeler que le cancer de la prostate provoqués par les pesticides, notamment le chlordécone, sont reconnus comme maladies professionnelles depuis la fin de l’année 2021.
Lexique
*Surtraitement : un traitement inutile car dirigé contre un cancer qui n’aurait pas évolué vers une forme symptomatique. Il est le plus souvent la conséquence d’un surdiagnostic, c‘est-à-dire la détection d’un cancer qui n’aurait entrainé ni symptôme, ni décès s’il n’avait pas été décelé.
*Métastatique : qualifie le cancer quand il s’est propagé à d’autres organes et tissus que le site où la maladie s’est initialement développée. Le cancer de la prostate « métastase » généralement vers les os, les poumons, le foie. On estime que 9 décès sur 10 sont dus aux métastases.
*Hormonothérapie : la croissance du cancer de la prostate est très généralement activée par l’hormone sexuelle mâle, la testostérone. On dit de ses cancers qu’ils sont hormono-dépendants. L’hormonothérapie vise à réduire le taux sanguin de testostérone pour freiner le développement de la maladie.
*Mitochondrie : Une structure cellulaire fondamentale pour la production d’énergie et la régulation de nombreuses activités cellulaire, en particulier la mort cellulaire programmée (ou apoptose).