Vers un traitement ciblé d'une forme agressive du cancer de la vessie

Des marqueurs spécifiques et des modèles précliniques identifiés par une équipe de chercheurs labélisée par la Ligue contre le cancer

Aucune avancée marquante n’est venue améliorer le traitement des cancers invasifs de la vessie au cours des deux dernières décennies. Réalisées dans le cadre du programme Cartes d’Identité des Tumeurs®, les recherches menées par l’équipe du Dr François Radvanyi (UMR CNRS 144, Institut Curie, Paris – équipe labellisée par la Ligue contre le cancer) pourraient contribuer à combler ce déficit thérapeutique. Publiés dans la revue Science Translational Medecine (1) ces travaux révèlent l’existence d’un sous-type particulier de cancer invasif de la vessie contre lequel des molécules ciblant la voie de signalisation EGFR pourraient constituer des thérapies efficaces. Des marqueurs spécifiques de ces tumeurs et des modèles précliniques ont également été identifiés.

On estime à environ 12 000 le nombre de nouveaux cas de cancers de la vessie diagnostiqués en France en 2012. Pour 20 à 30 % des patients, la tumeur en cause est invasive, elle infiltre le muscle de la vessie. Les tumeurs invasives sont de mauvais pronostic : seule la moitié des patients est encore en vie cinq ans après le retrait chirurgical de la vessie, le traitement standard de cette forme de cancer. Pour l’heure aucune thérapie ciblée n’a encore fait preuve d’une efficacité significative contre ces tumeurs. Dans ce contexte, les travaux publiés dans la revue Science Translational Medecine (1) apportent un véritable espoir de progrès concrétisé par plusieurs résultats : la caractérisation d’une forme particulièrement agressive de la maladie et l’identification de biomarqueurs spécifiques de celle-ci ainsi que la proposition d’un traitement ciblé potentiel efficace sur des modèles précliniques.

Un groupe agressif de tumeurs invasives de la vessie identifié

L’analyse de l’expression des gènes de 383 tumeurs vésicales invasives a permis la caractérisation d’un groupe de tumeurs particulièrement agressif, rassemblant près de 24 % des cas. De façon intéressante, le profil d’expression génique de ces tumeurs s’est révélé très proche de celui d’un type particulier de tumeurs agressives du sein, dites « basal-like ». L’analyse des altérations moléculaires spécifiques de ce groupe de tumeurs a mis en évidence une activation permanente de la voie EGFR. Impliquée dans le contrôle de la prolifération cellulaire, la voie EGFR constitue une cible thérapeutique privilégiée contre laquelle plusieurs thérapies ciblées sont déjà utilisées dans le traitement d’autres cancers, notamment ceux du côlon et du poumon.

Une piste thérapeutique déjà connue trouve une nouvelle indication

L'identification de modèles précliniques des tumeurs de la vessie "basal-like" dont un modèle animal a permis aux chercheurs de tester l’effet d’une molécule anti-EGFR déjà commercialisée. Résultat : cette molécule réduit significativement la progression tumorale. Point essentiel à la juste prescription d’une thérapie ciblée, les chercheurs ont également mis en évidence des biomarqueurs permettant d’identifier les patients susceptibles de bénéficier du traitement. Un test immunohistochimique fondé sur trois protéines a été mis au point et pourrait, après validation sur d’autres séries de cancers invasifs de la vessie, constituer un outil diagnostique utilisable en routine clinique.

Un espoir tangible de nouveau traitement

Ces recherches constituent un véritable espoir pour le traitement de ce groupe agressif de cancers invasifs de la vessie vis-à-vis duquel l’arsenal thérapeutique est aujourd’hui très limité. Les résultats publiés dans Science Translational Medecine devraient déboucher prochainement sur des essais cliniques et d’’autres travaux sont actuellement en cours afin d’accroître l’efficacité des molécules anti-EGFR en les combinant avec une chimiothérapie conventionnelle.

(1) S. Rebouissou, I. Bernard-Pierrot, A. de Reyniès, ML Lepage, C. Krucker, E. Chapeaublanc, A. Hérault, A. Kamoun, A. Caillaut, E. Letouzé, N. Elarouci, Y. Neuzillet, Y. Denoux, V. Molinié, D. Vordos, A. Laplanche, P. Maillé, P. Soyeux, K. Ofualuka, F. Reyal, A. Biton, M. Sibony, X. Paoletti, J.  Southgate, S. Benhamou, T. Lebret, Y. Allory, F. Radvanyi, EGFR as a potential therapeutic target for a subset of muscle-invasive bladder cancers presenting a basal-like phenotype. Science Translational Medicine, 9 Juillet 2014.

Le cancer de la vessie

Cinquième cancer le plus fréquent en France, le cancer de la vessie touche principalement des hommes (80 % des cas diagnostiqués). Les principaux facteurs de risque évoqués incluent la tabagie, la pollution atmosphérique et des expositions professionnelles (exposition à des substances de type amines aromatiques et certains hydrocarbures). Les traitements varient selon les formes. Les  tumeurs superficielles font l’objet d’une résection et/ou de traitements intra-vésicaux (chimiothérapie intravésicale et BCG thérapie). Les tumeurs invasives, au pronostic beaucoup moins favorable, sont traitées par une ablation de la vessie (cystectomie).

Les grands enjeux de la recherche sont aujourd’hui d’identifier des marqueurs rendant compte de la propension des tumeurs superficielles à récidiver et à progresser ainsi que la mise au point de traitements efficaces contre les formes envahissantes agressives.

A retenir

Les travaux d’une large collaboration multidisciplinaire coordonnée par François Radvanyi (CNRS UMR 144, Institut Curie Paris), Yves Allory (AP-HP, Hôpitaux Universitaires Henri Mondor, Créteil ; Inserm, U 955, Créteil ; Université Paris-Est, Créteil), Thierry Lebret (Hôpital Foch, Suresnes ; Université de Versailles, Saint-Quentin-en-Yvelines) et Simone Benhamou (CNRS UMR 8200, Institut Gustave Roussy, Villejuif ; Inserm, U946, Paris) ont contribué à la caractérisation d’une forme particulièrement agressive de cancers invasifs de la vessie. Ces recherches ont également débouché sur la mise en évidence d’un traitement ciblé potentiel de ces tumeurs et sur la mise au point d’outils, biomarqueurs et modèles précliniques, particulièrement utiles pour valider l’intérêt de cette piste thérapeutique.

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