"Hacker" le système des glioblastomes
Les recherche de Julie Gavard (Inserm U1232 – CNRS ERL 6001, CRCI2NA, Nantes) portent sur les tumeurs malignes du cerveau de l’adulte et plus particulièrement sur les cellules souches cancéreuses à l’origine des glioblastomes. Ce contingent de cellules, minoritaires mais redoutables, pilote l’évolution des tumeurs de glioblastomes et contribue directement à leur très grande résistance au traitement. Une meilleure compréhension de leur fonctionnement permet d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques contre ces tumeurs aujourd’hui encore incurables.
En quoi consiste le projet ?
De l’invention de l’écriture à l’ère de la connexion permanente, la transmission de l’information et son contrôle jouent un rôle essentiel dans le développement des sociétés humaines et de leurs activités. Il en va de même dans les tumeurs et la recherche a montré qu’elles pouvaient se concevoir comme des écosystèmes, ou des sociétés, dans lesquelles cohabitent différentes populations de cellules malades, les cellules tumorales, mais également des cellules saines constituant le microenvironnement tumoral. Les mécanismes qui assurent la circulation de l’information au sein, mais également entre ces populations cellulaires, jouent rôle fondamental dans le développement des tumeurs ainsi que dans leur capacité à s’adapter pour, par exemple, devenir résistantes à une thérapie.
Les cellules souches cancéreuses (CSC) constituent une population de cellules cancéreuses particulières qui sont aux commandes des tumeurs de glioblastome dont elles contrôlent l’initiation, la progression et la rechute. Pour assurer ce contrôle, les CSC sont en communication permanente avec les autres cellules constitutives du glioblastome.
Des chercheurs à l’écoute
Les travaux de l’équipe de Julie Gavard explorent les mécanismes utilisés par les CSC pour tirer parti de ce réseau de communication à leur avantage afin de se développer et de maximiser leur chance de survie. Ils ont permis la découverte de plusieurs molécules qui jouent le rôle de signaux de communication entre les cellules cancéreuses et le microenvironnement tumoral. L’apeline est une de ces molécules, secrétée par des cellules constituant les vaisseaux sanguins qui irrigue les tumeurs, elle stimule la croissance des cellules tumorales. Plus récemment, les chercheurs nantais ont montré qu’une protéine, MLKL (lire encadré), contrôlait l’émission par les CSC de messages qui pilotent l’évolution des tumeurs en contribuant à l’angiogenèse et la perméabilité des vaisseaux sanguins, la migration tumorale mais également la prolifération et la survie des cellules cancéreuses. Autre résultat remarquable, l’équipe nantaise a montré qu’une enzyme, MALT1, jouait un rôle essentiel dans la distribution intracellulaire du cholestérol, une ressource vitale pour les CSC.
En comprenant de façon de plus en plus complète et précise des différents types de signaux émis par les CSC pour contrôler les tumeurs, les chercheurs identifient de nouvelles cibles représentant autant de piste potentielles pour concevoir de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Le résumé du projet en vidéo
Traffic d’influence : une pratique du milieu tumoral
MLKL est une protéine qui intervient dans plusieurs fonctions cellulaires dont, notamment, la libération de vésicules extracellulaires, un des « médias » que les cellules souches cancéreuses de glioblastomes utilisent pour contrôler l’évolution tumorale. Les vésicules extracellulaires (ou VE) peuvent être comparées à des petits paquets postaux. Elles sont constituées de fragments de cellules qui renferment des molécules « signal » (protéines, acides nucléique, lipides, etc.) et sont libérées par les cellules de CSC dans le milieu tumoral. La captation de ces VE par les cellules du microenvironnement permet la délivrance de signaux qui influencent l’évolution et le développement de la tumeur.
Julie Gavard, porteuse de projet
Julie Gavard, porteuse de projet
Julie Gavard dirige depuis 2015 l’équipe "Signalisation en Oncogenèse, Angiogenèse et Perméabilité" au sein du Centre de Recherche en Cancérologie et Immunologie de Nantes Angers (CRCI2NA). L’excellence de ses travaux lui a valu de recevoir la médaille de Bronze du CNRS en 2012. Son équipe de recherche est labellisée par la Ligue depuis l’année 2022 pour un projet de recherche visant élucider les mécanismes qui décident de la mort ou de la survie des cellules tumorales cérébrales. Outre les programmes nationaux Equipes Labellisées et Soutien aux jeunes chercheurs, ces recherches ont également bénéficié du soutien de comités départementaux du Grand Ouest 35, 44, 49, 72, 85.
L'interview de Julie Gavard
L’équipe de Julie Gavard a été labellisée par la Ligue nationale contre le cancer en 2023 pour la qualité de ses recherches sur les tumeurs cérébrales. Le comité départemental de Loire-Atlantique s'est engagé à soutenir financièrement cette équipe nantaise.
Quelques notions
Naguère centrée sur la cellule tumorale, notre vision du cancer s’est élargie dans les années 2000 en intégrant la dimension de son environnement. Une tumeur se conçoit désormais comme un écosystème où les cellules cancéreuses sont en interaction constante avec un vaste ensemble d’éléments qui constituent le microenvironnement tumoral : différents types de cellules saines, des vaisseaux sanguins irriguant la tumeur, une grande diversité de molécules. Les cellules cancéreuses trouvent dans ce microenvironnement une multitude de partenaires et les échanges établis au sein de cette communauté modulent l’évolution naturelle de la maladie et sa réponse au traitement.
Les glioblastomes constituent les tumeurs primitives du cerveau les plus fréquentes et les plus agressives. Ils peuvent survenir à n’importe quel âge mais majoritairement entre 45 et 70 ans, le nombre de nouveaux cas par an en France était estimé en 2018 à environ 3 500. La survie médiane à partir du diagnostic est de seulement 15 mois ; moins de 5 % des patients diagnostiqués survit plus de 3 ans. Chimiothérapie, radiothérapie et chirurgie peuvent être employées pour traiter les glioblastomes mais l’on ne peut les guérir en raison de leur capacité accrue à résister à ces thérapies conventionnelles. La mise au point de nouveaux traitements surpassant la capacité à résister des glioblastomes constitue donc un impératif pour en améliorer la prise en charge thérapeutique.
Ces cellules cancéreuses particulières ont la capacité d’initier et de propager les tumeurs. Elles peuvent échapper aux thérapies anticancéreuses conventionnelles en mettant leur activité au repos et se trouvent ainsi à l’origine des récidives des glioblastomes. Identifier des cibles thérapeutiques spécifiques des cellules souches cancéreuses est un enjeu de recherche majeur pour espérer à terme mieux traiter les glioblastomes.
C’est une protéine qui catalyse - c’est-à-dire qui facilite et accélèrent - des réactions chimiques.