Des pincettes en ADN pour étudier l’interaction entre une molécule médicamenteuse et sa cible à l’échelle molécule-unique.
Des travaux financés par la Ligue dans le cadre de son programme « Equipes labellisées » ont permis de décrire une nouvelle approche de mesure, en temps réel, de l’interaction entre une seule molécule médicamenteuse et sa cible. Ces travaux, menés par une équipe de biologistes, de physiciens et de chimistes (CNRS, Ecole normale supérieure, Institut Jacques Monod, Université de Paris), encadrés par Terence Strick et Charlie Gosse, ont été publiés fin septembre dans la revue prestigieuse nature nanotechnology (1).
L’efficacité d’un médicament est fortement liée au temps que la molécule médicamenteuse passe accolée à sa cible ; plus l’interaction est de longue durée, plus la drogue aura de l’effet. Pour mesurer ce temps, les chercheurs se sont servis des propriétés de l’ADN (stable, inerte, facile à fabriquer, et rigide à l’échelle de 50 nanomètres) pour construire une « pincette moléculaire », illustrée ci-dessus. Ils ont ensuite greffé de chaque côté de la pincette des protéines-cibles qui interagiront au travers d’une molécule médicamenteuse. La pincette d’ADN est ensuite accrochée par une extrémité à une lame de verre traitée, et par l’autre extrémité à une microbille magnétique. La position de la bille au-dessus de la lame peut être mesurée en temps réel et par simple microscopie optique avec une précision nanométrique.
Si les protéines et la molécule médicamenteuse se trouvent en interaction alors la pincette est refermée et la bille est proche de la lame ; lorsque les molécules se dissocient, la pincette s’ouvre et la bille s’éloigne de la lame. La durée de l’interaction entre ces molécules peut alors être déterminée avec une très grande précision. L’équipe a pris comme exemple d’étude un médicament, la rapamycine, qui est un immunosuppresseur puissant qui sert cliniquement à traiter un grand nombre de cancers. Il est également possible de gréffer une molécule médicamenteuse à un côté de la pincette et une molécule-cible de l’autre côté : c’est l’objectif actuel de l’équipe.
De façon plus générale cette pincette moléculaire s’apparente à un « détecteur universel » applicable à l’étude des interactions entre différents types de molécules et ouvre de nouvelles perspectives dans le développement des médicaments, y compris d’anticorps thérapeutiques.
(1) D. Kostrz, H.K. Wayment-Steele, J.L. Wang, M. Follenfant, V.S. Pande, T.R. Strick & C. Gosse Nat. Nanotechnol. 2019 Sep 23