Mortalité par cancer dans l'Union Européenne, quelles prévisions pour 2025 ?
La question trouve une réponse dans des travaux coordonnés par l’équipe de Carlo de la Vecchia de l’Université de Milan. Publiés dans la revue de la Société Européenne d’Oncologie Médicale, ses résultats confirment que la tendance à la baisse du taux de mortalité par cancer en Europe devrait se poursuivre en 2025[1]. La mortalité par cancer du pancréas échappe toutefois à cette tendance et devrait continuer à progresser. L’évolution inverse de la consommation de tabac entre les deux sexes se reflète également, avec un taux mortalité par cancer du poumon qui continue à décroitre pour la population masculine et à augmenter pour les femmes. De façon plus globale, les auteurs estiment à 6,8 millions le nombre de décès par cancer évités dans l’Union Européenne entre 1989 et 2025.

Projection de l'incidence et de la mortalité
Ces projections relatives aux cancers sont précieuses pour estimer la charge qu’impose la maladie à la société ainsi que pour évaluer l’efficacité des actions et des progrès susceptibles de la réduire : politiques de prévention, programmes de dépistage, avancées dans la prise en charge et le traitement.
L’étude qui vient d’être publiée dans les Annals of Oncology donnent des évaluations de la mortalité globale du cancer, ainsi que celle associée à 10 localisations particulières, dans l'Union Européenne, ses cinq pays les plus peuplés (Allemagne, France, Italie, Espagne, Pologne) ainsi que le Royaume-Uni.
Ces projections ont été modélisées à partir de données de mortalité, couvrant la période 1970-2021, obtenues auprès de l'Organisation Mondiale de la Santé et de données démographiques produites par les Nations Unies.
Selon les résultats obtenus, le total des décès dus au cancer dans l'UE devrait s'élever en 2025 à 1,28 million, soit un peu plus de 709 000 décès pour les hommes et 570 000 pour les femmes.
L’expression de ces résultats sous la forme de taux de mortalité standardisés sur l’âge (TSA)*, soit 120,9 pour 100 000 pour hommes et 79,1 pour 100 000 femmes, met en évidence une baisse de respectivement 3,5 % et 1,2 % par rapport aux chiffres observés de l’année 2020.
De façon générale, les tendances présentées peuvent être considérées comme encourageantes, notamment pour la population masculine, avec un recul des taux de mortalité pour toutes les localisations cancéreuses considérées à l’exception du cancer du pancréas (voir Tableau). Pour les femmes, les évolutions de taux mortalité de 5 des huit localisations étudiées sont en baisse alors que ceux associés aux cancers du pancréas, du poumon et de la vessie devraient augmenter.
[1] European cancer mortality predictions for the year 2025 with focus on breast cancer
TSA* : La mortalité par cancer varie fortement en fonction de paramètres démographiques. Effectuer des comparaisons de mortalité entre des pays ou des périodes de temps caractérisés par de fortes différences démographiques nécessite donc de tenir compte de celles-ci. Le taux de mortalité par cancer standardisé est calculé à cette fin en ajustant le taux de mortalité d’une population en fonction de la pyramide des âges qui la caractérise. Ici le calcul de ces taux au niveau de chaque pays de l’Union permet donc leur comparaison indépendamment des différences entre les pyramides des âges de leurs population.
À retenir
Le taux de mortalité par cancer baisse de façon globale dans l’Union Européenne depuis une quinzaine d’années. Cette baisse est plus marquée dans la population masculine que chez les femmes.
Cette évolution devrait poursuivre en 2025 avec toutefois des différences importantes entre les pays d’Europe de l’Ouest et ceux du centre et de l’Est du continent. Le taux de mortalité du cancer du pancréas ne suit pas cette évolution et devrait continuer à progresser pour les deux sexes.
6,8 millions de décès par cancer auraient été évités au cours des 37 dernières années.
Quelles prédictions pour la France ?
Le nombre de décès prévus pour la population masculine française en 2025 s’élève à un peu moins de 94 000, soit un TSA de 108,9 pour 100 000, en baisse de 10,5 % par rapport à 2020. Les TSA associés aux 7 principales localisation cancéreuses considérées dans l’étude sont toute en baisse - notamment les cancers du poumon -18,2 % - à l’exception de celui du cancer du pancréas qui devrait augmenter de 2,2 %, comparativement à sa valeur observée en 2020.
Un peu plus de 75 000 décès sont attendus pour les femmes, soit un TSA de 72,4 pour 100 000, en baisse de 2,9 % par rapport à 2020. Les évolutions des TSA par localisation se révèlent plus contrastées que celles évaluées pour les hommes et pour les autres femmes européennes. En effet, si les TSA des cancers du sein et de l’ovaire devraient évoluer de façon encore plus encourageante par rapport à la moyenne de l’Union, les TSA associés à 5 localisations (estomac, pancréas, poumon, vessie et utérus) seraient en augmentation.

Évolutions des taux de mortalité par cancer standardisés sur l’âge dans l’Union Européenne et en France en 2025 (valeurs prédites) comparativement à 2020 (valeurs observées). d’après C. Santucci et al. À titre d’exemple, le TSA du cancer de l’estomac chez l’homme devrait baisser en 2025 de 10,6 % comparativement à sa valeur observée en 2020.
Et concernant le cancer du sein…

Et concernant le cancer du sein…
Le cancer du sein reste pour les femmes de l'Union Européenne la principale cause de mortalité par cancer avec un nombre absolu de décès qui ne décroît pas en raison de l’accroissement et du vieillissement de la population. Les auteurs de l’étude ont porté une attention particulière à l’évolution de cette mortalité et leurs résultats prédisent pour 2025, comparativement à la période 2015-19, une baisse généralisée de son taux dans toute l'Union et le Royaume-Uni pour toutes les classes d’âge à l’exception des femmes de 80 ans et plus.
Tenant compte de l’incidence de la maladie, de l’absence d’évolution positive concernant ses facteurs protecteurs connus (âge des premières règles, allaitement, parité, précocité de la ménopause) ainsi que de la prévalence de plus en plus importante des principaux facteurs de risque post-ménopause, surpoids et obésité, les auteurs attribuent la baisse du taux de mortalité à l’amélioration du dépistage organisé, des diagnostics plus précoces et les progrès de la prise en charge et des traitements.
Pour aller plus loin
Dans leur ensemble les données présentées correspondent à ce qui est observé dans l'Union Européenne depuis une quinzaine d’années avec une évolution qui profite plus à la population masculine. Il est toutefois à noter que des différences importantes demeurent entre les taux de mortalité des pays de l’Europe de l’Ouest et ceux du Centre et de l’Est du continent.
Par ailleurs le vieillissement de la population européenne entraîne une hausse du nombre de décès par cancer qui accroit "mécaniquement" le fardeau que représente la maladie. Dans ce contexte, la prévention en tout premier lieu vis-à-vis du tabac, de l’obésité et de l’alcool, ainsi que l’optimisation des programmes de dépistage restent pour les auteurs les stratégies cardinales de la lutte contre les cancers.