Pollution de l’air et cancers
La pollution de l’air a des effets délétères sur la santé humaine et a été reconnue comme un cancérogène avéré en 2013. Le risque à l’échelle individuelle demeure faible mais il est significatif au niveau des populations et constitue un problème de santé publique majeure au niveau international. Le lien entre pollution de l’air et cancer du poumon est bien établi et a encore été confirmé par des données publiées cette année. L’association avec d’autres cancers comme le cancer du sein est suspectée et fait l’objet de nombreuses études conduites à l’échelle internationale et en France.
L’air nous est vital, nous en respirons près de 15 000 litres par jour ! Pourtant l’air qui rentre dans nos poumons n’a le plus souvent rien de pur. Sa qualité est presque systématiquement dégradée par des « polluants » de natures variées (chimique, physique, biologique) émis par nos activités (transports, industrie, chauffage, agriculture) ou par des phénomènes naturels : éruptions volcaniques, tempêtes de sable, feu de forêts.
Toutefois, la variabilité des conditions météorologiques, la localisation géographique, l’évolution de nos environnements (urbanisation, déforestation, etc.) et de nos activités (densité du trafic, niveau d’industrialisation, etc.), les changements de législation, etc., font que sur le court ou le long terme, à l’échelle de quelques heures ou de plusieurs décennies, notre niveau d’exposition varie énormément.
Un impact sanitaire planétaire
La pollution de l’air ambiant a un impact sur la santé humaine étudié et caractérisé depuis plusieurs décennies et l’on estime aujourd’hui à 6,7 millions le nombre de décès mondiaux[1] lui étant attribuables. Ses effets délétères sur la santé humaine peuvent être immédiats, de la simple irritation à des troubles cardio-respiratoires graves, ou à long terme en participant au déclenchement ou à l’aggravation de maladies chroniques dont des cancers.
Plusieurs cancérogènes reconnus
L’exposition à la pollution atmosphérique a été classée par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) comme cancérogène avéré[2] en 2013, en raison de son lien avec l’augmentation du risque de cancer du poumon. De plus, des constituants particuliers pouvant rentrer dans la composition de la pollution de l’air ont également été classés comme cancérogènes avérés : les particules dites « fines » (ou PM2,5[3]), les gaz d’échappements des moteurs diesels, le benzène, le formaldéhyde, etc., ou cancérogènes possibles : acétaldéhyde, hydrocarbures aromatiques polycycliques, etc. Selon l’Agence Européenne pour l’Environnement (EEA), la pollution de l’air est associée à 1% des cas de cancer en Europe et serait liée 9 % des décès par cancer du poumon. En France, la part des cancers du poumon attribuable en 2015 à la pollution de l’air aux particules fines a été évaluée à 3,6 % (soit 1500 cas[4]). Et, selon les études, la pollution de l’air est considérée comme le deuxième ou le troisième facteur de risque de cancer du poumon derrière le tabac[5].
Poumon, les particules comptent
Les particules en suspension, fines voire ultrafines (PM1), sont les constituants de la pollution atmosphérique suspecté présenter les effets les plus délétères pour la santé humaine. Plus leur taille est petite et plus leur contact avec le tissu biologique est important. Ainsi, leur taille permet une pénétration profonde dans les poumons et les plus petites d’entre-elles peuvent rentrer dans les alvéoles pulmonaires et atteindre la circulation sanguine. Les polluants qui les constituent peuvent présenter des propriétés génotoxiques (qui altèrent l’ADN), de perturbateurs endocriniens (qui dérèglent le fonctionnement hormonal) ou encore créer du stress oxydant et de l’inflammation, un ensemble d’effet associés à différentes étapes de la transformation et du développement cancéreux. Des résultats publiés cette année par plusieurs équipes de chercheurs britanniques[6] expliquent comment un tissu pulmonaire affecté par une mutation mais non encore cancéreux est engagé sur la voie de la cancérisation à cause de l’effet inflammatoire des PM2,5.
Et les autres localisations ?
Si les liens entre la pollution de l’air et le cancer du poumon sont bien étayés sur le plan épidémiologique mais également sur celui des mécanismes expliquant l’effet cancérogène observé, il n’en va pas de même pour les autres localisations. On compte déjà un nombre conséquent d’études épidémiologiques mais il n’est pas possible d’en tirer un consensus clair. La variabilité des polluants et du type d’exposition ainsi que nombre de problèmes méthodologiques expliquent en partie cette situation. Toutefois, le CIRC a relevé un lien potentiel entre le cancer de la vessie et la pollution de l’air. D’autres études récentes établissent un lien entre l’exposition chroniques aux particules fines et au dioxyde d’azote (NO2) avec les risques de cancer colorectal et de cancer de la prostate[7]. Plusieurs études suggèrent un lien entre la pollution liée au trafic routier et le risque de leucémie aiguë chez l’enfant.
Concernant le cancer du sein
Des associations entre l’exposition à la pollution de l’air et une augmentation du risque de cancer du sein ont déjà été rapportées dans la littérature scientifique avec les mêmes limites que celles évoquées précédemment. Une méta analyse de la littérature internationale menée en France par des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, et de l’Université Grenoble Alpes et publié en 2021 a permis d’établir que 1700 cas de cancers du sein seraient attribuables chaque année en France aux polluants atmosphériques[8]. Parmi les composés incriminés, le NO2 est celui pour lequel l’association paraît la plus convaincante. Toujours en France, l’étude XENAIR réalisée à partir des données de la cohorte E3N (une cohorte épidémiologique dont la Ligue est partenaire fondateur depuis 1990, voir ici et là) a étudié les liens potentiels entre le cancer du sein et 8 polluants atmosphériques. Des liens significatifs ont pu être établis avec l’exposition au NO2, au benzo[a]pyrène et au polychlorobiphényles. Les résultats sont moins convaincants pour les particules en suspension, PM10 et PM2,5. Une étude cofinancée par la Ligue, actuellement en cours, devrait permettre d’éclaircir les liens potentiels entre ces particules et le cancer du sein en tenant compte de la nature des composés chimiques qui les constituent. Toutes ces études sont essentielles pour identifier les polluants « les plus à risques » et fournir aux décideurs des éléments rationnels sur lesquels fonder les politiques publiques visant à améliorer la qualité de l’air.
Attention à la pollution de l’air intérieur !
Nous passons la majorité de notre temps dans des espaces clos au travail, au domicile, dans les transports. Or, l’air que nous y respirons y est souvent plus pollué que l’air extérieur. En plus de polluants provenant de l’extérieur, de nombreuses substances émises par nos activités, les produits que nous utilisons, les équipements et les matériaux, etc., peuvent dégrader la qualité de l’air et constituent pour certaines des cancérogènes avérés ou suspectés.
[1] https://tinyurl.com/bdz4byh5
[2] Un composé pour lequel le niveau de preuve scientifique est suffisant pour le déclarer cancérogène pour l’humain.
[3] Des particules constituées de composés solides ou liquides dont le diamètre est inférieur à 2,5 millionièmes de mètre, la plus grosse part de leur émission est due au secteur résidentiel et au trafic routier.
[4] https://tinyurl.com/398mamnz
[5] https://tinyurl.com/5n947cdd
[6] https://tinyurl.com/4nejccbt
[7] https://tinyurl.com/mryw8rza
[8] https://tinyurl.com/yuaxctha