Soutien à la recherche

Serge Perrot, lauréat du prix Axel Kahn 2024

Pour la troisième année consécutive, la Ligue contre le cancer a remis le Prix Axel Kahn ! Ce prix, d'une valeur de 50 000 € récompense quatre chercheurs et cliniciens dont les travaux et réalisations ont eu un impact majeur sur la connaissance des mécanismes de la douleur liée aux cancers, la prise en charge de ses formes réfractaires et le développement des soins palliatifs.

À travers cette interview, découvrez en plus sur Serge Perrot !

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Serge Perrot - Prix Axel Kahn

‘Nos patients sont affectés par des maladies complexes, ils nous arrivent très souvent au bout d’un parcours compliqué, certains ont même parfois été rejetés par d’autres spécialités. Le défi et l’intérêt de mon activité est de donner du sens au parcours de ces patients souvent désespérés.’

L'interview de Serge Perrot

Serge Perrot est rhumatologue et médecin de la douleur à la tête du Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur de l’hôpital Cochin AP HP, Paris. Professeur en Thérapeutique de l’Université Paris-Cité, il exerce également une activité de recherche sur la physiopathologie de la douleur articulaire et les mécanismes d’action d’antalgiques au sein du Laboratoire physiopathologie et pharmacologie clinique de la douleur (Inserm U987, Boulogne-Billancourt).

Comment décririez-vous votre activité au sein du CETD de l’hôpital Cochin ?
 

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Serge Perrot

Serge Perrot : Comme je le dis fréquemment à mes étudiants : nous ne soignons pas des pathologies, nous devons pratiquer une médecine transversale centrée sur l’humain et non sur une somme de paramètres biologiques. Nos patients sont affectés par des maladies complexes, ils nous arrivent très souvent au bout d’un parcours compliqué, certains ont même parfois été rejetés par d’autres spécialités. Le défi et l’intérêt de mon activité est de donner du sens au parcours de ces patients souvent désespérés. La douleur qu’ils endurent s’apparente pour eux à un non-sens ou à une privation de sens : ils ne comprennent pas pourquoi ils en sont arrivés là, quel est le diagnostic et la cause des douleurs, pourquoi rien ne fonctionne. Je m’efforce de redonner du sens à leur parcours, de construire avec eux une prise en charge thérapeutique qui ait du sens vis-à-vis de ce qu’ils ont vécu et de ce qu’ils sont. Cela nécessite d’appréhender et de comprendre aussi bien des aspects somatiques - quelle est la maladie sous-jacente et son contexte, un cancer évolutif ? en rémission ? – quels sont les  dimensions psychologiques ? En effet, beaucoup des patients douloureux sont des personnes dont l’itinéraire de vie, parfois l’enfance, a été marqué par des traumatismes importants qui sont réactivés par l’expérience de la maladie que ce soit le cancer, la fibromyalgie, une polyarthrite, etc.


Quel regard portez-vous sur la prise en charge de la douleur telle qu’elle se pratique aujourd’hui en France ?


S.P. : Il y a eu beaucoup d’avancées dans la reconnaissance de l’importance de la douleur et de la nécessité de sa prise en charge. Des progrès notables ont également été réalisés concernant l’acceptation des traitements morphiniques. Toutefois, on estime aujourd’hui que les centres de traitement de la douleur soignent environ 300 000 personnes, ce qui est finalement très peu par rapport aux 8 à 10 millions de douloureux que compterait la France, selon les études. De fait, la médecine de la douleur reste construite comme une médecine de fin de parcours. Nous voyons de façon trop tardive des patients qui souffrent de douleurs complexes, réfractaires. 

Comment pourrait-on changer la donne ?

S.P. : Je pense qu’il faut inverser ce modèle pour que la prise en charge de ces patients complexes soit beaucoup plus précoce. Les médecins généralistes ont ici un rôle important à jouer en amont. L’évaluation d’une douleur prend du temps, de 30 à 40 minutes, cet exercice devrait donc être valorisé à l’instar des consultations de médecine générale spécifiques qui concernent le diabète ou l’insuffisance rénale. Notre organisation des soins devrait donc être profondément amendée pour favoriser le dépistage précoce avec un recours accru aux outils de dépistage ainsi qu’à la téléconsultation qui peut participer à pallier le problème des déserts médicaux et d’une démographie médicale de plus en plus problématique. De fait, le manque de médecins et de personnel paramédical adéquatement formés ainsi que les difficultés budgétaires que nous rencontrons contribuent à ce que cette prise en charge passe encore pour secondaire. Le manque de jeunes médecins véritablement motivés par cette activité constitue pour moi une source d’inquiétude importante pour l’avenir de la médecine de la douleur mais plus largement pour la médecine.

Quelle est la place des interventions non médicamenteuses dans la prise en charge de la douleur ?

S.P. : Nous savons aujourd’hui que plus les douleurs sont chroniques et moins les médicaments sont efficaces. Le recours à des interventions non médicamenteuses est reconnu comme pouvant jouer un rôle important car, utilisées à propos, elles peuvent contribuer à calmer le cerveau et à réactiver le corps. Les techniques de thérapie cognitivo-comportementale, l’hypnose, la méditation, etc. associées à l’activité physique adaptée permettent de prendre en charge efficacement les souffrances, les détresses mentales et de réactiver les corps meurtris devenus non-fonctionnels.

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