Tribune - Hausse des franchises : franchement c’est non !
Alors que les Français sont plus que jamais en détresse pour accéder aux soins de proximité dans des délais raisonnables, pour trouver un médecin traitant ou un spécialiste qui n’applique pas de dépassements d’honoraires, et font face aux pénuries de médicaments, le gouvernement vient aggraver une situation déjà en forte tension. Après la baisse du remboursement des soins dentaires, ce sont maintenant les participations forfaitaires sur les consultations et les franchises sur les médicaments, qui vont être doublées et même étendues aux dispositifs médicaux.
La tribune co-signée par plus de 60 associations
Les associations dénoncent les coups de butoir progressifs contre le principe constitutionnel du droit à protection de la santé.
En tant qu'association représentant les usagers du système de santé, la Ligue s'élève contre cette mesure punitive et a co-signé la tribune portée par les 60 associations du réseau France Assos Santé.
Punitive à l’encontre des personnes malades et en situation de handicap, qui n’ont pas d’autre choix que de se soigner ou de recourir aux dispositifs médicaux, et qui accusent déjà les plus gros restes à charge en santé, y compris quand elles sont en Affection de Longue Durée (ALD) et censées être prises en charge à 100%. Ces personnes, qui consomment, de fait, le plus de soins, sont les premières concernées par les dépassements d’honoraires, les franchises, les participations forfaitaires, les tarifs excessifs des dispositifs médicaux, les restes à charge hospitaliers, et tout ce qui n’est pas remboursé, et pourtant indispensable, et qui échappe aux comptes sociaux (frais d’hygiène, de transports, produits dermatologiques, vitamines, petit matériel médical, etc.) et qui représentent en moyenne, selon notre étude de 2019[1] plus de 1000€ par an et par personne.
Punitive à l’encontre des personnes dont les revenus sont situés au niveau du seuil de pauvreté, mais au-dessus du plafond de la complémentaire santé solidaire, ou encore celles qui sont en grande précarité mais qui n’ont aucune couverture complémentaire (12% des personnes les plus pauvres n’ont aucune couverture complémentaire), qui peinent à boucler les fins de mois, du fait du coût de la vie de plus en plus élevé, et qui feront le choix de renoncer à se soigner plutôt que de se nourrir ou de se chauffer.
Punitive à l’encontre de toutes les personnes, toutes les familles, qui cotisent à la Sécurité sociale, en espérant être prises en charge lorsqu’elles en ont besoin, et qui verront leurs restes à charge en santé augmenter.
Des participations « citoyennes » ou la désolidarisation de la protection sociale ?
Les participations forfaitaires sur les consultations médicales et les examens de radiologie et biologie ont été créées en 2005, et les franchises médicales sur les médicaments, les transports et les actes paramédicaux en 2008. Ces participations « citoyennes », non prises en charge par les complémentaires santé, avaient pour objectif de préserver notre système de santé en faisant payer les usagers, sous couvert de responsabiliser les citoyens, marquant ainsi la désocialisation des dépenses de santé.
Si certaines populations sont exonérées de ces participations, notamment les bénéficiaires de la Complémentaire Santé Solidaire, le plafond pour y accéder reste encore en dessous du seuil de pauvreté ! De plus, le taux de recours est faible, seulement 56%[2] des personnes éligibles en bénéficient, du fait d’un manque d’informations et de communication, et de la complexité du dispositif.
Les usagers : une cible facile
Le gouvernement évoque une mesure nécessaire, du fait des dépenses de médicaments qui s’envolent, et un acte de responsabilisation des usagers au regard de la surconsommation médicamenteuse. Or, comme la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie l’atteste[3], la hausse des dépenses des médicaments s’explique principalement par le coût élevé de nouveaux médicaments et la hausse du nombre de personnes en ALD.
Si la dépense pharmaceutique par habitant en France est l'une des plus importantes d'Europe, rappelons que les franchises médicales sont facturées uniquement sur les médicaments remboursés prescrits par un médecin. Il s’agit donc d’un acte médical avant tout, relevant de la responsabilité du médecin.
La pertinence des prescriptions, la remise en cause des rentes de situation en santé et le bon usage des médicaments sont des enjeux hautement prioritaires en termes de sécurité et de santé publique et constituent des leviers d’économies nettement plus pertinents, de même que la maitrise des prix. Cette approche nécessite un pilotage rigoureux des pratiques médicales et le respect des recommandations de bonnes pratiques. Il semble visiblement plus aisé de culpabiliser les usagers !
Nous refusons que le portefeuille des Français devienne le levier systématique d’économies du gouvernement, alors même que des industriels se voient proposer des hausses de tarifs sur leurs médicaments simplement pour appliquer la loi et respecter leurs obligations d’approvisionnement et de stock !
D’autres pistes d’économies, à court et à long terme, sont possibles et constitueraient qui plus est une véritable politique de santé publique, cela passe par un travail d’envergure sur la pertinence et l’efficience des soins et des parcours et une politique bien plus stricte en matière de règlementation et de taxation des produits néfastes pour la santé permettant de financer de façon bien plus importante la prise en charge d’actions de prévention et de promotion de la santé, source d’économies substantielles et durables.
Nous refusons que les personnes malades, en situation de handicap, de précarité, et l’ensemble de la population, soient encore confrontés à des obstacles supplémentaires pour se soigner !
Nous demandons une approche plus équilibrée et plus solidaire pour garantir l'accès aux soins pour tous, sans discrimination financière. La santé est un droit fondamental, et il est de notre devoir de protéger ce droit pour toutes et tous.
[1] https://www.france-assos-sante.org/communique_presse/1000e-par-an-temoignage-patients-restes-a-charge-invisibles
[2] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/les-dossiers-de-la-drees/le-recours-et-le-non-recours-la
[3] https://www.assurance-maladie.ameli.fr/sites/default/files/2023-07_rapport-propositions-pour2024_assurance-maladie.pdf
Témoignage
« Ce que les assurés dont je fais partie souhaitent le plus, c'est un maximum de transparence et une véritable limite de 100 € maxi des participations et franchises annuelles, à régler échelonnées éventuellement selon la situation financière de l'assuré et de son état de santé exigeant parfois des soins continus ou fréquents occasionnant des frais plus importants. Ne serait-il pas du reste plus judicieux de dispenser les assurés en ALD de ces participations forfaitaires et franchises ?
J'espère que ces propositions pourront un jour se concrétiser pour une meilleure gestion pour nous assurés comme pour vous institution publique et que vous aurez à cœur au niveau local comme au niveau national d'améliorer ce système de recouvrement pour l'instant peu transparent et vite pénalisant pour des assurés très malades et à petits revenus. »