Soutien à la recherche

Sophie Laurent, lauréate du prix Axel Kahn 2024

Pour la troisième année consécutive, la Ligue contre le cancer a remis le Prix Axel Kahn ! Ce prix, d'une valeur de 50 000 € récompense quatre chercheurs et cliniciens dont les travaux et réalisations ont eu un impact majeur sur la connaissance des mécanismes de la douleur liée aux cancers, la prise en charge de ses formes réfractaires et le développement des soins palliatifs.

À travers cette interview, découvrez en plus sur Sophie Laurent !

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Sophie Laurent - Prix Axel Kahn

‘La prise en charge de la douleur s’apparente pour un médecin à un travail de Sisyphe. C’est un travail de passion et d’engagement sans aucune routine qui doit constituer une pierre angulaire de la médecine du cancer en s’intégrant pleinement au parcours de soins.’

L'interview de Sophie Laurent

Sophie Laurent est médecin algologue, elle a acquis une longue expérience clinique en France et à l’étranger comme médecin responsable de consultations spécialisées en douleur et soins palliatifs adultes et enfants. Elle exerce aujourd’hui au sein de la Maison Médicale Jeanne Garnier à Paris, et poursuit son engagement à Gustave Roussy au sein d’une équipe de recherche.

Quels sont aujourd’hui les principaux défis que doit relever la prise en charge de la douleur des personnes touchées par le cancer ?


 

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Sophie Laurent

Sophie Laurent : Aujourd’hui, il est nécessaire que les spécialistes du curatif – oncologues, radiothérapeutes, chimiothérapeutes – intègrent qu’il n’y a pas de solution simple et immédiate face à la douleur. Avec l’évolution des traitements, la problématique de la douleur évolue mais perdure. Les patients sont désormais affectés pendant de nombreux mois, voire des années. La prise en charge de la douleur doit s’inscrire dans le parcours des traitements oncologiques, avec des fenêtres dédiées pour permettre l’accès aux techniques interventionnelles. Ces interventions ne doivent pas être considérées comme des béquilles à utiliser en bout de course, car leur usage tardif limite le bénéfice et la qualité du soulagement obtenu. Par ailleurs, il m’apparait essentiel de faire monter en compétence les prescripteurs concernant la prise en charge de la douleur de premier et de deuxième niveau, sur tout le territoire. Il est nécessaire que la connaissance de l’usage des opioïdes, leur maniement, leurs limites et leurs intérêts, soit améliorée sans relâche pour permettre aux spécialistes de la douleur de prendre en charge adéquatement les niveaux 3, c’est-à-dire les douleurs intenses rebelles aux autres antalgiques.


Comment votre engagement, vos réalisations, vos recherches répondent-ils à ces défis ?


S.L. : La réflexion continue sur nos pratiques est indispensable et irrigue ma pratique clinique, d’enseignement et de recherche. Une des problématiques de la prise en charge de la douleur est que nous sommes finalement très peu à pouvoir aborder les douleurs très complexes avec l’expérience et l’expertise nécessaires. J’ai donc œuvré sans relâche pour que cette expertise de chaque professionnel soit reconnue, mais aussi que les structures douleur dédiées à la prise en charge de la douleur du cancer elle-même soient reconnues et labélisées, et que les critères d’organisation demandés correspondent aux besoins des patients complexes. C’est finalement le cas depuis 2022, avec incitation à ce qu’au moins une structure par région soit identifiée. 

Par ailleurs, nous avons besoin d’outils d’évaluation et de pouvoir nous former en permanence. La formation est un sujet essentiel dans lequel je m’investis énormément aujourd’hui car il n’est pas évident pour un jeune médecin d’aller « naturellement » vers cet exercice qui est pénible, exigeant, émotionnellement très impactant et qui demande de travailler la dimension humaine du lien avec les patients. C’est pour moi un défi personnel, peut-être le défi du dernier volet de ma carrière : développer un enseignement attentif du savoir-être, pour permettre une réflexion profonde sur la relation médecin-patient, faire comprendre ce qu’est la douleur aux médecins de toute génération, les aider à utiliser les traitements sans s’y perdre, pour traiter 90 % des patients sur tout le territoire. Pour finir en quelques mots, mes réalisations à Gustave Roussy, mon engagement au sein de la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur, les travaux que j’ai menés avec la DGOS ont visé à ce que des parcours de soins adaptés puissent être proposés et que partout en France les praticiens aient des bases suffisamment solides pour pouvoir apporter aux patients qui souffrent une réponse appropriée.

Quel regard portez-vous sur la situation de ces soins et sur ce que l’on peut aujourd’hui attendre de l’innovation en la matière ?

S.L. : Nous sommes confrontés à des patients complexes. Prendre les meilleures décisions pour eux nécessite une réflexion à plusieurs, et la dimension pluridimensionnelle de cette prise en charge restera toujours entière et doit être prise en compte. Il est essentiel que la recherche sur les traitements locaux, régionaux se poursuivent. Il est également nécessaire que certains a priori sur les opioïdes soient démystifiés, et que leurs effets secondaires soient mieux étudiés et compris.

L’oncologie intégrative a également un rôle à jouer mais nécessite de bien être cadrée pour éviter que les patients ne reçoivent des messages contradictoires qui leur seraient préjudiciables : les interventions non conventionnelles doivent être définies, évaluées, analysées. 

L’innovation a également selon moi un rôle important à jouer dans la formation. Je le répète, la démographie médicale des médecins de la douleur s’impose comme un défi : nous sommes trop peu nombreux et nous ne pouvons pas être au chevet de tous les patients. Le développement de programmes de simulation virtuelle et d’outils pour mieux évaluer et traiter la douleur me semblent très importants pour l’avenir de cet enseignement tant en formation initiale dans le cursus de tous les professionnels de santé qu’en formation continue. 

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