Alcool et cancers
Largement banalisé dans la culture française, l’alcool est le deuxième facteur de risque évitable de cancers en France, responsable chaque année de 30 000 nouveaux cas. En 2015, on estime à 41 000 le nombre de décès attribuables à l’alcool, dont 30 000 décès chez les hommes et 11 000 décès chez les femmes (soit respectivement 11 % et 4 % de la mortalité des adultes de 15 ans et plus). Parmi les causes de décès associées à la consommation d'alcool, les cancers occupent la première place avec 16 000 décès par an[1].
L'alcool augmente le risque de développer plusieurs cancers comme, les cancers du sein, les cancers du côlon et du rectum, les cancers de la bouche et du pharynx, le cancer du foie, le cancer de l’œsophage, le cancer de l'estomac. Ce risque est lié à la quantité d’alcool consommé par l’individu. 741 000 personnes (4,1 % de la population mondiale) ont déclaré un cancer imputable à l’alcool en 2020 (Rumgay et al., 2021). Selon l’OMS, « En 2018, la Région européenne de l’OMS a enregistré 180 000 cas de cancer et 92 000 décès par cancer imputables à la consommation d’alcool. » (Organisation mondiale de la santé Bureau régional de l’Europe, 2020).
Les effets sanitaires de la consommation d’alcool
En consommant de l’alcool, les personnes s’exposent à des complications hépatiques, cardiovasculaires, neurologiques, de troubles psychiques ainsi qu’à un risque majoré de cancers. Souvent pris comme alcool médicament pour faire face, pour gérer le stress, pour son effet désinhibiteur ou en pensant qu’il a un effet antidépresseur on pense que l’alcool nous aide avant de se rendre compte des effets délétères. L’alcool est un faux ami qui cache bien son jeu.
L’alcool reste ainsi la deuxième cause de mortalité prématurée et une des toutes premières causes d’hospitalisation. Il est la cause première de consultations aux urgences du fait des accidents, rixes, viols, violences ou décompensations ou conséquences physiques ou psychiques liées à sa consommation. Dans le contexte de saturation des urgences et des difficultés de régulation pour pouvoir accéder à celles-ci. Ce facteur est à mettre en avant en tant qu’association de patients militant pour un meilleur accès aux soins. Réduire de façon préventive les alcoolisations c’est faciliter l’accès aux soins. Il est également parmi les premières causes d’agression aux urgences du personnel soignant.
Le nombre de décès dus à l’alcool s’élève à 41 000 en France.
L’alcool est responsable de 200 pathologies[1].
Enquête d'OpinionWay pour la Ligue contre le cancer
La thématique de la consultation effectuée par OpinionWay : "Les Français et la consommation d'alcool des enfants pendant les fêtes de fin d'année", sur un échantillon de 1225 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
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Chiffres clés
En moyenne, les Français boivent 27 g d’alcool pur par jour et par habitant soit près de 3 verres.
Malgré l’évolution récente des habitudes, les niveaux de consommation d’alcool en population générale et notamment chez les jeunes demeurent élevés, leurs conséquences sanitaires et sociales restent ainsi une préoccupation de santé publique.
Pour en savoir plus sur la consommation d'alcool en France, voici quelques chiffres importants à retenir.
23,6 % des personnes de 18-75 ans
dépassaient les repères de consommation en 2017.
87 % des 18-75 ans consomment de l’alcool
au moins une fois par an.
13,4 % des 18-24 ans déclarent
au moins 10 ivresses par an.
10 % des 18-75 ans consomment à eux seuls
58% de l’alcool consommé.
En savoir plus sur ce facteur de risque
Alcool et cancers
Si les quantités d’alcool vendues en France ont fortement diminué depuis le début des années 1960, la consommation demeure l'une des plus élevées en Europe et dans le monde. La France se situe ainsi au 4e rang des pays européens les plus consommateurs d'alcool chez les plus de 15 ans. Près d’un adulte sur deux consomme de l’alcool au moins une fois par semaine et 10 % chaque jour, en particulier parmi les plus de 50 ans. Les plus jeunes consomment moins régulièrement mais de façon plus excessive et ponctuelle, avec des épisodes d’ivresse ("binge drinking"). En 2017, près de 20 % des 18-24 ans avaient connu des ivresses régulières (au moins 10 au cours des 12 derniers mois), et 35 % des 18-75 ans boivent à eux seuls 91 % de l’alcool consommé.
L'alcool augmente, entre autres, le risque de développer plusieurs cancers :
- les cancers du sein (plus de 8 000 cas par an) ;
- les cancers du côlon et du rectum (plus de 6 600 cas par an) ;
- les cancers de la bouche et du pharynx (plus de 5 600 cas) ;
- le cancer du foie (plus de 4 300 cas) ;
- le cancer de l’œsophage (plus de 1 800 cas) ;
- le cancer de l'estomac.
Pour le cancer du sein, le risque augmente dès une consommation de moins d’un verre par jour (il n’y a pas de seuil en dessous duquel il n’y a pas de risque de cancer du sein) ; pour celui du foie, le risque apparaît à partir d’une consommation supérieure à 4 verres par jour.
- L’alcool est un produit de grande consommation largement présent dans notre quotidien et facilement accessible. Bien qu'il soit souvent associé à la convivialité et à la détente, il est essentiel de prendre conscience des effets que la consommation d'alcool peut avoir sur notre santé. La consommation d’alcool est en effet définie comme une pratique addictive, c’est à dire susceptible d’entrainer une addiction. La consommation d'alcool est par ailleurs impliquée dans plusieurs problématiques de santé, en particulier lorsque l’on ne maitrise pas/plus sa consommation.
En France 10,56l d’alcool pur sont mis en vente par an par habitant de plus de 15 ans. L’alcool alimentaire est composé d’éthanol et d’eau en proportions variables, c’est le titre alcoolique de la boisson (figure 1). Ainsi selon le volume et le degré d’alcool pur d’une boisson on n’absorbe pas la même quantité d’alcool. La notion de dose permet de mieux appréhender la quantité d’alcool que l’on consomme. Une dose d’alcool en France équivaut à 10g d’éthanol dans un verre (figure 1).
Figure 1 : Grammage d'alcool selon le titre alcoolique d'une boisson
Principalement consommé par voie orale, l’alcool, est ensuite absorbé le long du tube digestif, et diffuse passivement dans toute l’eau du corps (rappel le corps est composé à 60% d’eau).
L’élimination du produit se fait principalement par un travail conjoint du foie et des reins, à une cadence moyenne de 0.15g/l/h, il faut donc 2h en moyenne pour éliminer une dose d’alcool.
L’alcool est également une source de calories dite calories vides car à faible valeur nutritionnelle. Mais les boissons alcoolisées outre le sucre qu’elle contiennent en propre sont source de calories ; 1 gramme d’alcool pur fait 7 kcal (kilocalories) ; à titre de comparaison 1 gramme de sucre ou de protéine font 4 kcal et 1 gramme de graisse 9 kcal. L’alcool a donc un fort facteur de prise de poids.
L’alcool deux effets distincts lors de la consommation
Lors d’une consommation d'alcool, deux chaines d’effets s'activent simultanément : un effet psychotrope et le circuit de la récompense.
L’effet psychotrope
Psychotrope, c’est-à-dire que cette molécule va modifier le fonctionnement habituel du cerveau en entrainant une baisse généralisée de son activité. Perçu comme boost, notamment sur des événements festifs. Pour comprendre il faut se rappeler qu’avant de réaliser un comportement (boire, manger, danser, etc.), il y a une sorte d’étape « d’acceptabilité » du comportement (qui prend en compte, les règles sociales, l’endroit où l’on est, etc.). Lorsque le cerveau est sous l’influence de l’alcool, donc ralenti, cette validation est un peu, voire beaucoup plus permissive, et laisse passer des comportements qui auraient été inhibés quand on est sobre, c’est ce qui explique l’alcool triste, l’alcool festif, l’alcool créateur ou l’alcool déjanté, etc.
D’ailleurs, le ralentissement du système nerveux peut arriver à un tel point qu’un coma éthylique se produit.
Le circuit de la récompense
Le deuxième effet que l’alcool entraine sur le cerveau est l’activation du circuit de la récompense. Il s’agit de plusieurs structures du cerveau qui communiquent entre elles, et font en sorte que l’on continue de produire des comportements qui nous sont bénéfiques (manger, boire, etc.) et que l’on abandonne ceux qui nous sont néfastes (boire un verre de vinaigre, danser pendant une réunion, etc.). Lorsqu’un événement est bon pour nous, notre cerveau libère de la dopamine (un neurotransmetteur impliqué dans la notion de plaisir) et il enregistre cette information comme favorable, ce qui entraine la possibilité de répéter le comportement.
Pour la consommation d’alcool, en dépit du fait qu’il n’est pas forcément bon pour la santé, il y a une libération importante de dopamine. Cette libération importante, est enregistrée et le cerveau s’y habitue petit à petit. Il existe alors un risque d’accoutumance, mécanisme par lequel le cerveau va chercher les mêmes sensations alors qu’il faut pour y parvenir augmenter les doses nécessaires ; il va donc chercher à augmenter les volumes consommés ; on parle d’ailleurs de pratique addictive, puisque le comportement de consommation d’alcool peut amener une addiction. L’addiction est une perte de contrôle plus ou moins marquée de la consommation d’alcool, associée à des impacts négatifs dans la vie du consommateur. Ces impacts peuvent être économiques (augmentations des dépenses, difficultés au travail, perte d’emploi, etc.), sociaux (agressivité, repli, violences, etc.) et ou physiologique (trouble du sommeil, de l’humeur, jusqu’aux différentes maladies).
L’évaluation de la relation entre un individu et sa consommation d’alcool peut se faire via le questionnaire FACE ou AUDIT.
Comment agir individuellement
Pour protéger votre santé, il est important :
- de savoir que l’alcool est toxique même à faible dose et contrairement à ce que croient de nombreuses personnes boire un verre d’alcool n’a pas d‘effet protecteur ni contre le cancer, ni pour le cœur ;
- de connaître les recommandations en matière de consommation d'alcool :
- Santé Publique France préconise de :
- ne pas consommer plus de dix verres standard par semaine,
- ne pas consommer plus de deux verres par jour,
- avoir des jours sans consommation dans une semaine,
- ne pas consommer d'alcool pendant la grossesse : la consommation d'alcool pendant la grossesse peut entraîner des dommages irréversibles pour le bébé.
- Santé Publique France préconise de :
- de savoir reconnaître les problèmes liés à l'alcool :
La première des choses importantes lorsque l’on parle d’alcool c’est de savoir où l’on en est dans sa consommation d’alcool. Pour se faire on utilise en général 2 questionnaires courts : le Face en 5 questions et l'AUDIT en 10 questions. Ces questionnaires permettent de mieux se connaitre. Il ne faut pas hésiter à se renseigner auprès de spécialistes, ou des numéros verts dédiés. L’addiction est une maladie, elle ne doit pas générer un sentiment de honte.
Un deuxième élément pour mieux comprendre sa propre consommation d’alcool, c’est de revoir les quantités correspondant à une dose de 10g en fonction du titre alcoolique des boissons.
Sur le plan individuel un autre élément mérite d’être signalé, le fait de parler sans jugement des consommations que l’on a soi, ou l’autre.
Comment agir collectivement
Parmi les dispositifs d’action collective, la Ligue contre le cancer soutient le Dry January, ou Défi de Janvier. Ce défi propose à tout un chacun de se challenger en arrêtant de consommer de l’alcool dès son réveil le premier janvier et d’essayer de continuer jusqu’au 31. Cette expérience peut être faite seul, mais aussi en équipe, avec des amis, des collègues, etc.
- Parce qu’on peut s’amuser autrement et de façon responsable, la Ligue soutient aussi le dispositif “Monte ta soirée” qui promeut l’organisation d’événements, festivals ou soirées étudiantes, avec une vision réduction des risques. Qu’il s’agisse de consommation de produits psychoactif (alcool, tabac, stupéfiants, etc.), de pratiques sexuelles, de risques auditifs, etc., le dispositif "Monte ta soirée" cherche à faire baisser le risque le plus possible. La Ligue remet chaque année un prix au lauréat ayant fait les meilleures propositions, innovations pour la gestion du risque alcool.
- Sur le plan collectif il est aussi important de rappeler que la publicité pour l’alcool, est encadré par la loi Evin. Cette loi cherche en particulier à encadrer la publicité à destination des plus jeunes, mais encadre aussi les supports, il est par exemple interdit de faire de la publicité pour de l’alcool à la télévision.
Les facteurs de protection contre la consommation d’alcool
Les facteurs de protection des consommations d’alcool peuvent se situer à un niveau collectif, familial ou individuel.
Les principaux facteurs de protection collectifs sont :
- la restriction de l’accès à l’alcool par : le prix de l’alcool, la régulation du nombre et de la concentration de lieux de vente, la réduction des horaires de vente et le respect de l’interdiction de vente aux mineurs ;
- la mise à disposition d’activité favorisant la « socialisation autre » et offrant une alternative au désœuvrement : Pour les adolescents, l’accès – physique et financier – à des activités sociales et récréatives favorables à la santé est associé à une diminution des consommations problématiques d’alcool et d’autres substances psychoactives ;
- la limitation des opérations marketing et actions de publicité visant à normaliser la consommation d’alcool et stimuler le besoin de consommer chez les buveurs ;
- à l’échelle des familles, le soutien parental et le soutien aux parents et à la parentalité semblent très efficaces pour prévenir ou réduire les consommations d’alcool chez les jeunes. Le respect des interdits de consommation aux mineurs ;
- à l’échelle individuelle, l’investissement dans la scolarité ou dans des activités sociales et récréatives favorables à la santé (artistiques, sportives) semble protecteur. Enfin, le développement des compétences psychosociales dans les enseignements scolaires et des capacités de coping (par exemple l’estime de soi, le développement des capacités de négociation, la possibilité de gérer des conflits), ou encore la spiritualité sont des facteurs protecteurs d’importance.
Enfin, en tant qu’association agrée pour représenter les usagers, la Ligue contre le cancer à travers l’action de son siège et de ses 103 comités, entend participer activement à la diminution de la consommation d’alcool au-dessus des repères recommandés (actuellement 25 % des adultes soit, 10,6 millions de personnes présentent une consommation d’alcool supérieure aux repères). Pour ce faire, de nombreuses actions de sensibilisation sont menées auprès de la population et des décideurs publics afin de dénormaliser la consommation d’alcool mais également afin d’accompagner les personnes à la diminution de leur consommation.