La Ligue récompense les travaux contre les douleurs liées aux cancers
Cette fin d’année 2024 s'inscrit dans la continuité de 2023, qui avait été témoin du lancement du programme « Douleurs et cancers » de la Ligue. Inscrit dans la droite ligne de ce qu’a toujours fait la Ligue pour soutenir la recherche et l’innovation, « Douleurs et cancers » associe le Prix Axel Kahn à l’appel à projets : « Lutte contre les douleurs liées aux cancers ».
Le prix dans sa globalité
Très différents mais riches de réalisations remarquables, les parcours des trois lauréats du Prix Axel Kahn 2024, Michel Barrot, Ipek Yalcin, Sophie Laurent et Serge Perrot, illustrent la richesse des expertises nécessaires pour appréhender, comprendre et traiter efficacement les douleurs liées aux cancers.
L’appel à projets “Lutte contre les douleurs liées aux cancers” ouvert en janvier 2024 a suscité dépôt de 9 dossiers de candidature. 5 projets de recherche fondamentale ou clinique ont été retenus et sont financés par la Ligue sur des durées de 2 à 4 ans. Des résumés simplifiés des projets soutenus sont consultables sur cette page.
Le Prix Axel Kahn 2024 est attribué conjointement à Michel Barrot et Ipek Yalcin (CNRS, Université de Strasbourg) pour l’ensemble des recherches qu’ils ont menées sur les relations entre douleur chronique et troubles anxiodépressifs. Leurs travaux ont eu un impact majeur sur la compréhension des bases anatomiques et fonctionnelles de ces comorbidités et sont à l’origine d’avancées fondamentales dans la compréhension des mécanismes qui sous-tendent l’efficacité de certains antidépresseurs à réduire la douleur.
Michel Barrot et Ipek Yalcin en quelques mots
Michel Barrot et Ipek Yalcin en quelques mots
Michel Barrot est Directeur de recherche au CNRS et dirige depuis 2018 l’Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives (INCI) à Strasbourg. Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, Michel Barrot a réalisé à partir de 1993 une thèse de neurosciences sur les systèmes dopaminergiques dans le laboratoire du Pr Le Moal (Université Bordeaux-Segalen). Il entame en 1999 une formation post-doctorale dans le département de Psychiatrie moléculaire de l’Université de Yale sous la direction du Pr Eric Nestler, puis sera Assistant professeur dans le département de psychiatrie du UT Southwestern Medical Center à Dallas. De retour en France en 2003, il intègre le CNRS comme chargé de recherche dans l’Unité dirigée à Strasbourg par la Professeur Marie-José Freund-Mercier.
C’est dans cet environnement qu’il démarre ses travaux sur la douleur. Il met à profit l’expertise qu’il a acquise dans le domaine de la psychiatrie sur des questions liées à l’addiction et la dépression pour développer deux principaux axes de recherches : comprendre comment des antidépresseurs peuvent soulager la douleur neuropathique et comprendre les liens entre douleur chronique et troubles anxiodépressifs.
Aujourd’hui, ses recherches poursuivent l’exploration de l’action antalgique des antidépresseurs en abordant la composante émotionnelle de la douleur. Les travaux de Michel Barrot ont également permis la description chez l’animal d’une structure cérébrale, la queue de l’aire tegmentale ventrale, contrôlant les systèmes dopaminergiques.
Les travaux de Michel Barrot ont fait l’objet de plus de 110 publications dans des revues à comité de lecture. Ses recherches sur la douleur lui ont valu le prix de L’Institut de France en 2018.
Ipek Yalcin est Directrice de recherche au CNRS à la tête de l’équipe « Douleur et psychopathologie » de l’Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives (INCI) de Strasbourg depuis 2020. Elle s’oriente vers la recherche en neurosciences et en psychiatrie après un cursus en pharmacie. Elle entame en 2004 une thèse à l’Université de Tours dans le laboratoire du Pr Catherine Belzung (Université de Tours) où elle travaille à la modélisation préclinique de la dépression et étudie les mécanismes d'action des antidépresseurs. Accueillie en post-doctorat dans le laboratoire dirigé par Marie-José Freund Mercier, elle applique l’expertise qu’elle a acquise dans le domaine de la neuropharmacologie comportementale à l’étude des effets antalgiques des antidépresseurs. Recrutée par le CNRS en 2010, elle développe un nouvel axe de recherche sur les troubles de l'humeur liés à la douleur chronique.
Depuis, ses travaux ont abouti à l’une des toutes premières modélisations de cette comorbidité chez l’animal, et partant, à l’obtention d’une meilleure compréhension de ses fondements anatomiques, avec l’identification d’une structure cérébrale particulière, le cortex cingulaire antérieur, mais également de ses bases moléculaires et électrophysiologiques. Récemment, les travaux de son équipe sur les circuits neuronaux associés à cette comorbidité ont mis en évidence le rôle critique de la voie associant l’amygdale basolatérale au cortex cingulaire antérieur.
Ipek Yalcin est la cosignataire de 67 publications dans des revues à comité de lecture, ses recherches ont été récompensées par plusieurs prix dont la médaille de Bronze du CNRS en 2015.
Le Prix Axel Kahn 2024 est attribué à Sophie Laurent (Maison Médicale Jeanne Garnier, Paris, et Gustave Roussy, Villejuif) pour l’ensemble de son engagement et de ses réalisations concernant la prise en charge de la douleur et les soins palliatifs chez l’adulte, l’adolescent et l’enfant. La mise en place d’une consultation spécialisée de prise en charge de la douleur à l’hôpital de Maputo (Mozambique), la création à Gustave Roussy d’un parcours de soins innovants intégrant la prise en charge de la douleur à toutes les étapes de la maladie ou encore le développement de la commission « Douleurs et Cancer » au sein de la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur constituent quelques-unes des concrétisations de son engagement pour que la prise en charge de la douleur soit aujourd’hui reconnue comme une pierre angulaire de la médecine, et en particulier du traitement du cancer.
Sophie Laurent en quelques mots
Sophie Laurent en quelques mots
Sophie Laurent est médecin algologue, responsable pédagogique de l’Ecole de Soins Palliatifs de la Maison Médicale Jeanne Garnier, et médecin clinicienne auprès des patients douloureux de l’unité de soins palliatifs ou de l’hôpital de jour de ce même établissement. C’est sur le terrain, en 1996 au Mozambique - un pays alors profondément marqué par deux guerres quasiment successives - que Sophie Laurent se passionne pour la médecine de la douleur. Exerçant alors à l’hôpital central de Maputo dans le service de réanimation pédiatrique et en néonatalogie, elle rencontre les Docteurs Philippe Poulain et Alain Serrie, deux des membres fondateurs de l’organisation « Douleurs sans frontières ». Au cours des 8 années qui suivent, elle est cheffe de mission puis coordinatrice technique de l’ONG et développe une consultation spécialisée de prise en charge de la douleur ainsi qu’une équipe mobile intra-hospitalière au sein de l’hôpital central de la capitale mozambicaine. Cette activité la confronte à des tableaux cliniques gravissimes, atypiques en pédiatrie, en oncopédiatrie et en oncologie adulte.
De retour en France en 2005, elle met en place la stratégie de développement des soins palliatifs de la polyclinique du Parc à Toulouse avant d’intégrer le Département Interdisciplinaire de Soins de Support aux Patients en Oncohématologie (devenu DIOPP en 2020) de Gustave Roussy. Elle est présidente du Comité de Lutte contre la Douleur de l’établissement de 2009 à 2016 et assure la chefferie de son Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur de 2009 à 2022. Dans ce cadre, elle structure un parcours de soins innovants pour l’adulte, l’adolescent et l’enfant et s’attache également au développement de l’activité douleur de l’hôpital de jour ainsi qu’à la mise sur pied d’une Réunion de Concertation Pluridisciplinaire « Douleurs osseuses » avec le Docteur Frédéric Deschamps. Depuis la fin de l’année 2023, elle a intégré à temps partiel l’équipe dirigée à Gustave Roussy par la Docteure Inès Vaz-Luis pour développer un axe de recherche sur l’intégration des pratiques complémentaires à risque de toxicité (phytothérapie, compléments alimentaires) dans le parcours de soins des patients suivis en oncologie.
Sophie Laurent est l’auteure ou la co-auteure de près d’une trentaine de publications sur la prise en charge de la douleur dans des revues nationales et internationales. Elle s’est tout au long de sa carrière engagée avec ferveur pour la formation des médecins à la prise en charge de la douleur et aux soins palliatifs (formation interne à Gustave Roussy, responsabilité de la Capacité douleur et du DU « Douleur en oncologie » de la Faculté de médecine du Kremlin-Bicêtre). Plusieurs agences et associations bénéficient de son expertise, elle est également membre de la commission « Douleurs & Cancer » de la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur, et Membre de commission « Douleur cancéreuse » et « Douleur pédiatrique » de l’Association Internationale pour l’Etude de la Douleur.
Le Prix Axel Kahn 2024 est attribué à Serge Perrot (Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur, hôpital Cochin, AP-HP, Paris) pour l’ensemble de ses réalisations, qui alliant recherche fondamentale, recherche clinique et exercice clinique, ont permis de faire progresser la compréhension, l’évaluation, le diagnostic et la prise en charge des douleurs musculo-squelettiques. Son engagement à la présidence de la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (2016-2018) et son intérêt pour l’enseignement et l’information du public ont contribué à la reconnaissance de la médecine de la douleur comme une discipline transversale et humaine dont l’exercice est essentiel pour redonner du sens au parcours thérapeutique de patients souffrant de douleurs complexes.
Serge Perrot en quelques mots
Serge Perrot en quelques mots
Serge Perrot est rhumatologue et médecin de la douleur à la tête du Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur de l’hôpital Cochin, AP HP, Paris. Professeur en Thérapeutique de l’Université Paris-Cité, il exerce également une activité de recherche sur la physiopathologie de la douleur articulaire et les mécanismes d’action des antalgiques au sein du Laboratoire physiopathologie et pharmacologie clinique de la douleur (Inserm U987, Boulogne-Billancourt). C’est en 1989 alors qu’il réalise sa spécialisation en rhumatologie, que la médecine de la douleur s’impose à Serge Perrot comme une discipline transversale, qui recouvre les deux spécialités qui lui sont les plus chères : la rhumatologie et la neurologie. Il concrétise son intérêt pour ce domaine en réalisant une thèse de sciences sur la morphine et l’inflammation au sein du Laboratoire du Pr Jean-Marie Besson un des pionniers français des recherches sur la douleur et l’analgésie, un domaine de recherche dont le développement dans l’Hexagone est alors encore balbutiant, voire négligé. Cette expérience et les rencontres qu’il noue pendant sa thèse renforcent encore sa conviction que la médecine de la douleur est la vraie médecine : un exercice où la dimension humaine est fondamentale et qui transcende la dichotomie corps-esprit.
Pour Serge Perrot, la personne qui souffre ne peut être abordée et comprise comme une somme de paramètres biomédicaux, elle doit être envisagée dans toute sa globalité en intégrant l’ensemble des aspects somatiques et psychologiques, son parcours thérapeutique et son parcours de vie. Cette conviction est un leitmotiv dans les enseignements qu’ils donnent aux étudiants en médecine. Dans le domaine de la recherche, ses travaux ont notamment permis le développement deux échelles d’évaluation : FIRST (Fibromyalgia Rapid Screening Tool) qui permet le dépistage de la fibromyalgie et OASIS (Osteoarthritis Symptom Inventory Scale) conçu pour déterminer les différents symptômes de l’arthrose.
Son engagement militant, lorsqu’il était président de la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur, s’est concrétisé par la reconnaissance de la médecine de la douleur comme une discipline universitaire à part entière.
Serge Perrot est l’auteur de 240 publications dans des revues à comité de lecture. Il est également l’auteur d’ouvrages pédagogiques sur la douleur et la rhumatologie ainsi que du livre grand public « La douleur, je m’en sors ». Il a été rédacteur en chef de la revue « Douleur et Analgésie » et il est directeur de collection pour les éditions médicales Med-Line. Plusieurs sociétés savantes bénéficient de son expertise. Il a notamment présidé la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur entre 2016 et 2018 et créé le Cercle d’Etudes de la Douleur en Rhumatologie en 1997. Il est membre du Comité Scientifique de la Société Européenne de la Douleur (EFIC) ainsi que du Bureau mondial de l’Association Internationale pour l’Etude de la Douleur (IASP) Il est membre du bureau du Collège des Enseignants de Thérapeutique (CNET).